Matta, peintre de « trompe l’être »

L'ŒIL

Le 1 mai 2004 - 382 mots

Après Tanguy et Ernst, la galerie Daniel Malingue poursuit son exploration du surréalisme. Cette année, le choix des galeristes, plus personnel, s’est porté sur l’œuvre de jeunesse d’un peintre pour qui ils ont une affection ancienne : Roberto Matta. Le succès de l’exposition Max Ernst avait incité
le Musée national d’art moderne à enrichir d’un dessin ses collections. « Probablement une première,
pour une galerie », explique Olivier Malingue. Depuis sa mort en 2002, Matta a été représenté par plusieurs expositions aux États-Unis et l’on attend que Beaubourg, qui avait consacré au peintre une grande rétrospective en 1985, lui rende hommage à nouveau. L’œuvre de Matta a bouleversé collectionneurs et personnalités artistiques. Pourtant c’est encore un surréaliste méconnu. L’exposition qui présente ses dessins et toiles de 1936 à 1944, période très féconde, répare cette injustice. Matta découvre en 1936 sa vocation de peintre en même temps que le surréalisme.
La quête qui l’anime fait de lui l’un des interprètes les plus profonds du mouvement, dont il comprend
la portée philosophique. Il est aussi l’un des seuls à avoir enseigné, dès 1939, les techniques surréalistes aux peintres de la future école de New York, bien qu’il ait, plus tard, amèrement nié ce rôle d’initiateur. Ce sont les travaux de Duchamp sur l’objet qui révèlent à Matta la possibilité de représenter l’essence du changement, dans le temps. Cette quête de l’insaisissable accompagne une réflexion sur le vivant : la vie produit, dans les êtres, les arbres, récurrents dans l’œuvre de Matta, une infinité de métamorphoses, morts, naissances. Ce mystère occupe le peintre qui observe, au microscope, feuilles, insectes, coquilles d’escargot, au cours des soirées surréalistes passées au château de Chemillieu, en compagnie de Breton et de Gordon Onslow Ford. Le surréalisme élargit cette vision de flux, d’énergies, à l’âme elle-même.
Les premiers dessins de Matta sont donc des « paysages intérieurs » ou inscapes, qui expriment, en « trompe l’être » des états de l’âme : l’angoisse, l’attente, le désir.
Ses toiles, à partir de 1941, sont des paysages cosmiques. Mais la terre et les êtres, qui subissent ensemble destruction et régénération, ne font qu’un et les toiles ne perdent jamais ce lien à l’âme.

« Matta », PARIS, galerie Malingue, 26 av. Matignon, VIIIe, tél. 01 42 66 60 33, 19 mai-16 juillet.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°558 du 1 mai 2004, avec le titre suivant : Matta, peintre de « trompe l’être »

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