Matisse en plein soleil

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 10 septembre 2004 - 560 mots

À travers de nombreux prêts, le Musée de l’Annonciade commémore le centième anniversaire de la venue de l’artiste à Saint-Tropez.

SAINT-TROPEZ - Le 12 juillet 1904, Henri Matisse répond à l’invitation de Paul Signac et arrive à Saint-Tropez. L’artiste retrouve avec délice la Méditerranée, cette région où « tout brille, tout est couleur, tout est lumière », et laisse son inspiration errer le long des rues étroites du village de pêcheurs. La baie de Saint-Tropez, la place des Lices, la chapelle Saint-Joseph… autant de lieux familiers qui forment le cœur d’« Émerveillement pour le Sud », exposition commémorant le centenaire de la venue de l’artiste à Saint-Tropez mais aussi, par le fruit du hasard, le cinquantenaire de son décès. Le Musée de l’Annonciade n’a pas lésiné sur les prêts de collections particulières (dont celle du peintre américain Ellsworth Kelly) et d’institutions prestigieuses, comme le Musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg, ou le Metropolitan Museum of Art, à New York. Outre la trentaine de toiles et d’aquarelles, quelques gravures, dessins de nus à l’encre ou au fusain et une sculpture en bronze viennent étoffer ce parcours visuel qui nous entraîne jusqu’au Maroc (La Petite Mulâtresse, 1912) en passant par Collioure où, avec André Derain, le peintre posera les bases du fauvisme.

« All over »
Jean-Paul Monery, conservateur en chef du musée, a choisi pour point de départ de son exposition une série de paysages et natures mortes où le spectre de l’impressionnisme est encore en suspens (Paysage corse, 1898). À la recherche d’un style qui lui corresponde réellement, Matisse est alors prêt à rendre son tablier de peintre. Le soutien de Signac le pousse à s’essayer, sans grande conviction, au pointillisme (Femme à l’ombrelle, 1905). Mais sa collaboration avec Derain et la lumière du Sud le convainquent d’assumer pleinement son « style plus instinctif où la violence de la couleur atteint son paroxysme » (J.-P. Monery), une vivacité que laissait augurer Maisons à Toulouse (1899).
Œuvre emblématique de cette catharsis et pièce maîtresse de l’exposition, La Gitane (1905-1906) témoigne de la générosité de la palette de Matisse, qui fait de la matière picturale son sujet principal : « Avant tout, je ne crée pas une femme, je fais un tableau », disait-il. Ici, c’est l’observation à distance qui permet à la richesse de la matière, au foisonnement des couleurs et à la vigueur du coup du pinceau d’être transcendés. On pense immédiatement au Portrait de Mme Matisse ou La Raie verte (1905), conservée au Musée des beaux-arts de Copenhague, où une singulière ligne verte divise et façonne le visage de l’épouse du peintre et devient, de manière littérale, le sujet du tableau. Dans son essai pour le catalogue, Pierre Schneider rappelle que « cette répulsion réciproque du dessin et de la couleur n’implique rien moins que l’impossibilité de concilier imitation du sujet et création de l’œuvre ». De son côté, Jean-Paul Monery esquisse avec justesse l’idée du all over, concept attaché à l’expressionnisme abstrait américain : « C’est ce corps débordant l’espace du cadre pour ouvrir à un au-delà terriblement pictural. » La Gitane, elle, sourit.

HENRI MATISSE, ÉMERVEILLEMENT POUR LE SUD

Jusqu’au 11 octobre, Musée de l’Annonciade, place Grammont, 83990 Saint-Tropez, tél. 04 94 97 04 01, tlj sauf mardi 10h-12h et 15h-19h, à partir du mois d’octobre 10h-12h et 14h-18h. Catalogue, éd. Ville de Saint-Tropez, 150 p., 25 euros.

Promenade tropézienne

La galerie Marlborough Monaco a pris d’assaut la Citadelle de Saint-Tropez, parsemant seize sculptures monumentales le long de ses anciennes fortifications. Le mariage est heureux dans le cas de L’Étude pour Bellerophon Taming Pegasus de Jacques Lipchitz qui semble avoir été conçue pour le cœur de la citadelle. Figurent également des œuvres classiques signées Fernando Botero, Marino Marini, Arman et César. « Sculptures monumentales à Saint-Tropez », jusqu’au 2 novembre, la citadelle, Saint-Tropez.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°198 du 10 septembre 2004, avec le titre suivant : Matisse en plein soleil

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