Architecture

SALINE ROYALE D’ARC-ET-SENANS

Lumières sur la Saline

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2006 - 497 mots

Le chef-d’œuvre de Claude-Nicolas Ledoux célèbre le bicentenaire de la mort de son auteur, au moment où se décide la gestion future du site.

ARC-ET-SENANS - À l’occasion du bicentenaire de la mort de Claude Nicolas Ledoux (1736-1806), la Saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs) se devait de rendre hommage à son génial architecte. Plutôt que de concevoir une énième exposition monographique qui aurait fait doublon avec la présentation permanente du petit musée qui lui est consacré in situ, le choix s’est porté sur une évocation thématique de la période d’activité la plus féconde de Ledoux, de 1763 à 1789. Deux dates charnières du brillant Siècle des lumières, entre la signature de l’armistice de la guerre de Sept Ans – qui provoquera un véritable essor de la construction parisienne – et la Révolution, laquelle sonne le glas de la fulgurante carrière de Ledoux. Condamné puis emprisonné pour « aristocratie », il échappe de peu à la peine capitale et se concentre dès lors sur sa production théorique.

Libre examen
Après une rapide présentation de la géopolitique européenne de cette fin du XVIIIe siècle, l’exposition s’ouvre sur une évocation de l’atmosphère intellectuelle de l’époque. Y dominent les idées progressistes d’émancipation de l’esprit et de libre examen de la raison. Alors que les physiocrates élaborent leurs théories fondées sur une soumission aux lois de la Nature, Diderot et d’Alembert s’attellent à la lourde tâche de L’Encyclopédie, largement débattue dans les salons parisiens. Dans le domaine artistique, c’est le néoclassicisme qui s’impose en réaction aux « dérives » de l’art rocaille. Bénéficiant du mécénat de certaines favorites royales – dont Madame du Barry, pour qui Ledoux construit le pavillon de Louveciennes –, les artistes néoclassiques tempèrent leur rigueur architecturale par des jardins empreints d’exotisme.

Le célèbre écorché d’Houdon introduit le chapitre consacré aux sciences. Celles-ci bénéficient des avancées de l’anatomie, mais aussi de l’astronomie, de la physique, ou de la botanique. Enhardie par les découvertes newtoniennes, l’Académie des sciences de Paris s’engage dans un ambitieux programme d’expéditions, menées par Bougainville ou Lapérouse, qui font bénéficier la cartographie de progrès spectaculaires. L’exposition s’achève sur le sujet – attendu – de l’architecture, introduit par le célèbre portrait de Ledoux, dû au pinceau de Martin Drolling (1752-1817) qui s’inscrit dans une longue tradition de portraits d’architectes. Outre l’évocation des autres figures de la seconde moitié du XVIIIe siècle que sont Soufflot, De Wailly, Louis, Gondoin, Boullée ou Lequeu, « Ledoux, homme des Lumières » illustre l’importance d’un nouveau corps qui jouera un rôle croissant dans l’architecture : les Ponts et Chaussées, brillamment représentés par l’ingénieur Perronet. La présentation de plusieurs « cartes utopiques », travaux de fin d’études des élèves ingénieurs des Ponts, démontre enfin que la réflexion sur les lieux imaginaires n’était alors pas l’apanage des seuls artistes.

LEDOUX, HOMME DES LUMIÈRES

Jusqu’au 15 septembre, Saline royale, 25610 Arc-et-Senans, tél. 03 81 54 45 45, www.salineroyale.com, tlj juillet-août 9h-19h, septembre 9h-12h, 14h-18h. Ledoux - Commissariat : Anthony Vidler, professeur d’architecture, Cooper Union, New York

Quel avenir pour la Saline ?

Six mois avant le début de l’année 2007, aucun programme culturel n’a encore été élaboré pour la future saison. Et pour cause : le contrat liant l’Institut Claude-Nicolas-Ledoux – l’association qui gère et anime la Saline depuis trente-cinq ans – et le conseil général du Doubs, propriétaire des lieux, arrive à échéance en décembre 2006, et son renouvellement fait l’objet d’un débat. Le conseil général souhaite en effet reprendre la main sur le site – qui accueille 100 000 visiteurs par an mais bénéficie de peu de visibilité locale – et envisage un nouveau mode de gestion. Jean Dedolin, directeur général de l’Institut, déplorant de ne pas avoir été associé à la réflexion, défend son bilan. La Saline, qui emploie 50 personnes, bénéficie en effet d’un budget annuel de 3 millions d’euros, dont 65 % sont autofinancés grâce aux événements culturels et à la location d’espaces. Le département verse pour sa part une subvention de seulement 450 000 euros, largement absorbée par l’entretien des bâtiments. Cette faible marge financière pèse souvent sur l’organisation de la grande exposition annuelle. Jean Dedolin n’est toutefois pas opposé à un changement de statut, qui donnerait davantage de souplesse à la structure, « en déléguant les manifestations privées à une société privée mais en conservant une association pour l’organisation des événements culturels ».

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : Lumières sur la Saline

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