Photographie

PHOTOGRAPHIE

L’œil pensant de David Goldblatt

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 28 février 2018 - 545 mots

Le Centre Pompidou consacre une rétrospective au photographe sud-africain dont les clichés témoignent depuis 1946 de l’injustice et de la réalité complexe qui émaillent l’histoire de son pays.

Paris.« Je veux faire le maximum avec le minimum : une photographie simple qui se rapproche de ce que Jorge Luis Borges appelle à propos de l’écrivain et de l’écriture : une complexité modeste et sensible. » David Goldblatt résume là on ne peut mieux sa démarche de photographe qui continue, à 87 ans, de poursuivre son récit en images sur l’Afrique du Sud. Le choix de Karolina Ziebinska-Lewandowska, conservatrice au cabinet de la photographie du Centre Pompidou-Musée national d’art moderne, de scinder en deux le parcours consacré à son œuvre renforce ce positionnement placé en exergue de la monographie que lui consacre le Centre Pompidou, la première de cette ampleur en France.

De la première partie consacrée aux séries historiques à la deuxième focalisée sur « Structures » (série entamée en 1983 sur les architectures porteuses de la ségrégation raciale et poursuivie depuis), cette approche de la photographie configure « l’acte de penser son pays, de parler de la réalité qui l’entoure dans une conscience et un état de veille aigu et permanent », souligne Karolina Ziebinska-Lewandowska. La conservatrice, qui signe là sa première grande monographie au Centre Pompidou, en fait la démonstration avec 255 photographies, montrant avec concision que le temps et les différents événements historiques de son pays ne les ont pas émoussées, que ce soit avant ou après l’apartheid.

La présence du photographe tout au long du parcours via des vidéos, où on le voit et l’entend expliquer chaque série, renforce l’impression de force tranquille contenue dans chacune d’elles, d’où ressort le refus d’une rhétorique visuelle qui traiterait de manière différente les travailleurs exploités ou les Afrikaners. David Goldblatt a l’art de conter, de rendre tangible une réalité complexe que la violence n’a pas désertée. « Il ne juge pas, il essaie de comprendre, de faire connaître, de transmettre », souligne Karolina Ziebinska-Lewandowska. Le contenu des légendes de chaque photo participe de ce souci de transmettre au mieux ce que contient l’image. Elles jouent un rôle important dans sa démarche. « Dès ses premières photographies prises en 1946-1947, David Goldblatt note le lieu, le sujet et la date exacte de chaque prise de vue », relève-t-elle dans le catalogue tout aussi réussi que l’exposition. « Minutieusement composées, elles se transforment souvent en texte plus long, fruits de recherches et d’enquêtes approfondies. Dans la série “Structures”, un élément de prime abord anecdotique, comme un buisson au bord d’une route, se révèle être, grâce à l’explication de Goldblatt, la plus ancienne trace de la division raciale de la société sud-africaine, datant du XVIIe siècle. »

Posée en préambule « Particulars » (Particularités) – sublime série de plans resserrés sur des détails de corps et de vêtements des personnes croisées en 1975 à Johannesburg – incarne la conscience aiguë des conséquences de l’apartheid. En 2016 ses photographies des violences étudiantes de l’Université du Cap symbolisent les conflits récurrents de la société sud-africaine. Elles bouclent le parcours. Pour protester contre la censure exercée par l’université à l’encontre de sa propre collection d’œuvres d’art, David Goldblatt a annulé le contrat de legs de ses archives.

 

 

David Goldblatt,

 

 

jusqu’au 13 mai 2018, Centre Pompidou, place Georges Pompidou, 75004 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : L’œil pensant de David Goldblatt

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