L’œil japonais

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mai 2003 - 343 mots

Fixer la culture japonaise sur pellicule assure forcément une originalité dans le contexte européen et cela pourrait s’avérer déjà suffisant pour assurer à une exposition son intérêt.

Mais ici cette mission est celle de photographes japonais dont bien peu ont eu le privilège de s’infiltrer dans le paysage photographique français. Leur photographie se révèle singulière, sans artifice, qualifiée par une maîtrise technique impressionnante et un noir et blanc bien particulier. Bien sûr, parmi la vingtaine de grands noms rassemblés à Paris, celui de Nobuyoshi Araki est familier, mais il constitue une exception auprès du grand public.

Pourtant, le talent des autres photographes est manifeste, mais ils n’ont pas bénéficié de la vague nippone qui secoue l’art contemporain depuis une bonne dizaine d’années. Elle ne s’est pas penchée sur les racines d’une esthétique intense, encore fortement sensible aujourd’hui, faite d’une rigueur implacable dans la construction des lignes, d’une pureté frôlant l’étrange et d’une capacité à la distance calme dans l’harmonie ou le contraste. Car la photographie nippone est une photographie qui allie beauté, science de la composition et silence, un silence lourd mais éloquent. Elle associe les caractéristiques des haïku à celles de l’ikebana. Les nus élaborés dans le plus grand raffinement par le maître Kishin Shinoyama (Twin, 1969) illustrent ces qualités et font figures de référence, tout comme ceux d’Eikoh Hosoe (Man & Woman, Embrace).

Dans un cadre différent et bien plus dramatique, l’impact physique et psychique terrible des bombardements nucléaires est capté par Shomei Tomatsu et Hiromi Tsuchida avec une même maîtrise, retenue et constante, un noir et blanc acéré et très contrasté. La photographie nippone révèle donc bien des qualités, de Shoji Ueda (une monographie en français lui est dédiée aux éditions Filigrannes) à Hiroshi Hamaya. Elle a traversé des décennies difficiles dans un pays peu enclin à développer un réel marché pour sa photographie, cantonnée dans l’édition d’ouvrages, pour éclore seulement maintenant devant notre regard, renouvelé d’une bien belle manière.

PARIS - Patrimoine photographique

Hôtel de Sully, 62 rue Saint-Antoine, IVe, www.patrimoine-photo.org, tél. 01 42 74 47 75, jusqu’au 15 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : L’œil japonais

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