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L’Italie au temps des Grecs

L'ŒIL

Le 1 novembre 2002 - 722 mots

L’Italie antique, celle d’avant la Grande Rome, reste méconnue, occultée par la prééminence de cette dernière. Ainsi les trois peuples indigènes de la région d’Apulie (aujourd’hui appelée Puglia), les Dauniens, les Peucètes et les Messapiens, réunis sous le nom de Iapyges, ont longtemps été délaissés par les historiens ; et malgré les nombreux témoignages, leur culture et leurs mœurs demeurent énigmatiques et inexpliqués. En l’absence quasi totale de témoignages écrits, l’archéologie ne peut que se contenter d’élaborer des hypothèses sur une céramique retrouvée en abondance dans les sépultures. L’exposition de Genève nous invite à découvrir cette céramique primitive, et tente de faire la lumière sur ce peuple méconnu.
Durant l’âge de bronze (IIe millénaire avant J.-C.), les groupes ethniques de l’Italie antique se sont élaborés peu à peu, pendant des siècles de gestation. Et ce n’est qu’à partir de l’âge de fer (Xe siècle avant J.-C.) que les historiens peuvent se représenter l’Apulie. Située en Italie méridionale et bordant la mer Adriatique, la région révèle déjà une grande unité culturelle. La céramique fait son apparition en Apulie dès l’âge du bronze. A décor géométrique, et d’inspiration mycénienne, elle se développe indépendamment des Grecs et de façon remarquablement homogène sur toute la région ; ce n’est qu’à partir de la fin du IXe siècle avant J.-C. que des signes de différence ethnique se font sentir entre les différentes régions de l’Apulie, la Messapie, la Peucétie et la Daunie.
C’est véritablement à partir de la colonisation grecque que l’histoire des Iapyges peut être dressée. Si dans un premier temps, les colons délaissèrent l’Apulie, en 706-705 avant J.-C., les Spartiates s’installèrent au Sud du pays, à Tarente, et annexèrent les alentours sans chercher à conquérir la totalité de la région. La cité grecque attendit 490-480 avant J.-C. pour l’envahir totalement en étant victorieuse sur les Messapiens. En 465 avant J.-C., Tarente vainquit les Peucètes. Au IVe siècle avant J.-C., la cité grecque exerçait sa supériorité culturelle jusqu’au Latium et en Etrurie. Sous l’influence de Tarente, le processus d’acculturation des Iapyges s’accéléra, l’urbanisme grec remplaça les cabanes, les mœurs hellénistiques (banquet, coutumes funéraires) gagnaient les anciennes populations indigènes. Avec la céramique, on décèle des différences de cette influence grecque selon les régions iapyges. Le style proprement messapien, qui fit son apparition à partir du VIIe siècle avant J.-C.,
se caractérise par des formes nombreuses et élaborées, une ornementation en rouge et brun,
et ses motifs sont principalement constitués de zigzags, méandres et de triangles. Mais très vite, la Messapie, étant la région la plus proche de Tarente, voit une production d’imitation grecque avec un répertoire hellénique de motifs végétaux et figurés supplanter rapidement la production locale. En Peucétie, la céramique subit l’influence grecque dès le VIe avant J.-C. ; toutefois un style particulier avec son propre répertoire de formes et de décors subsiste dans l’actuel district de Bari. C’est en Daunie, la région la plus éloignée de Tarente que la céramique est la plus nombreuse et la mieux étudiée. Elle comporte trois phases, de 700 à 550 avant J.-C., puis de 550 à 400 avant J.-C. pour la seconde. Celle-ci correspond à l’apogée de la céramique daunienne ; on y voit aucune trace d’influence grecque, contrairement à ce qui se passe dans le reste de l’Apulie. Elle présente des vases à formes très variées (cratère, cruche à anse, vase à filtre et sorte d’outre dit askos). Pendant cette période, on remarque l’introduction d’éléments zoomorphes et anthropomorphes, quasi abstraits, mais aussi présents sous une forme narrative avec des scènes de la vie (chasse, élevage, danse et rites funéraires). La troisième période débute au début du IVe siècle avant J.C., voit le début de l’influence grecque, et les éléments géométriques cèdent la place à des motifs végétaux.
Les coutumes, l’organisation sociale, politique et économique du peuple Iapyge restent obscures.
Les historiens doivent se contenter d’hypothèses, le public d’admirer l’esthétique de la céramique.
Après que les Arts premiers d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique aient récemment fait leur entrée
au Louvre et que ces derniers font aujourd’hui de plus en plus l’objet de manifestations, cet « art premier » italien devrait trouver sa place dans la conscience contemporaine.

- GENEVE, Musée d’Art et d’Histoire, 2, rue Charles-Galland, tél. 00 41 22 418 2600, 24 octobre-19 janvier. L’exposition sera présentée à Paris, à la Fondation Bismarck en février prochain jusqu’au mois d’avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°541 du 1 novembre 2002, avec le titre suivant : L’Italie au temps des Grecs

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