Les visions crépusculaires du symbolisme polonais

L'ŒIL

Le 1 novembre 2004 - 580 mots

Après l’exposition de Grenoble consacrée à Wojtkiewicz, celle de Paris, au musée d’Orsay, qui a permis de découvrir Mehoffer (L’Œil n° 561) ou encore celle de Quimper – jusqu’au 7 novembre – qui montre la présence des peintres polonais en Bretagne à la fin du xixe siècle, le musée des Beaux-Arts de Rennes propose une exposition d’ensemble sur le symbolisme polonais. Soixante-quinze peintures, quatre-vingts œuvres graphiques et une vingtaine de sculptures rendent compte de la diversité des influences et des spécificités d’artistes qui, sans former de véritable groupe, ont pour préoccupation commune de proposer un art neuf, ancré dans l’histoire de leur pays, au travers d’œuvres crépusculaires qui en appellent à la littérature, au rêve et au fantastique.
Au tournant du XIXe et du XXe siècle, Vienne, Munich, Saint-Pétersbourg et Paris sont des foyers artistiques importants. Les artistes polonais participent activement à cette effervescence. Parmi leurs influences, il faut souligner celle de l’expressionnisme nordique, et notamment de l’œuvre torturée de Munch – le Coucher de soleil flamboyant de Weiss (1899-1902) en est un bel exemple. Mehoffer et Wyspianski séjournent à Paris où ils rencontrent les Nabis et les artistes de la Rose Croix, et leurs œuvres témoignent d’un goût prononcé pour le monde végétal, les motifs ornementaux et le japonisme. Jakimowicz et Siedlecki se rapprochent davantage de Gustave Moreau, Odilon Redon ou Puvis de Chavannes. Wojtkiewicz s’éloigne peu à peu des influences extérieures et de l’héritage national pour produire une œuvre plus personnelle, description d’un monde clos aux frontières de l’étrange et du grotesque par le biais de la caricature.
Si certaines œuvres de ces artistes ont été présentées en France à l’occasion d’expositions comme « Mille ans d’art en Pologne » en 1969 au Petit Palais ou « L’Esprit romantique dans l’art polonais » au Grand Palais en 1977, aucune manifestation d’envergure n’avait jusqu’ici mis en perspective la spécificité du symbolisme polonais. L’identité nationale est la première de leurs sources d’inspiration, l’histoire du pays – son démantèlement entre la Russie, l’Autriche et la Prusse à la fin du xviiie siècle et l’échec des insurrections de 1830 et 1863 – est évoquée par le biais de métaphores, d’images empruntées au paysage et à la nature. C’est à Cracovie et Lwow qu’émerge ce que l’on appelle la « Jeune Pologne », une dénomination qui caractérise d’abord un renouveau dans le domaine de la littérature. En peinture, les artistes symbolistes s’inspirent de l’histoire mais aussi de la mythologie, de la littérature, de la Bible, en se montrant sensibles aux saisons, aux changements atmosphériques, baignant leurs œuvres de mélancolie et de mystère. Un univers inquiétant où la nuit et la mort sont omniprésentes (Fiacre à Varsovie par une soirée pluvieuse de Pankiewicz, 1896 ; La Marche funèbre de Chopin de Podkowinski, 1894). L’œuvre de Malczewski est peut-être celle qui synthétise le mieux ces différents aspects. Sous un naturalisme illusoire au premier regard, l’artiste cache son angoisse existentielle, ses obsessions et ses fantasmes.
Sans prétendre à une quelconque exhaustivité – de grands décors, nombre d’œuvres sur papier ne peuvent voyager –, l’exposition évoque les principales figures du symbolisme polonais à travers des pièces importantes prêtées par seize musées dont ceux de Varsovie, Cracovie et Poznan, ville jumelée avec Rennes. Très complet et documenté, le catalogue constitue la première étude d’ensemble en français sur le sujet.

« Le Symbolisme polonais », RENNES (35), musée des Beaux-Arts, 20 quai Émile Zola, tél. 02 99 28 55 85, 15 octobre-8 janvier. Site de la saison polonaise : www.novapolska.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°563 du 1 novembre 2004, avec le titre suivant : Les visions crépusculaires du symbolisme polonais

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