Les références à la guerre et à l’expatriation ont profondément marqué la production du peintre

Par Anouchka Roggeman · L'ŒIL

Le 26 juillet 2007 - 418 mots

Dès 1932, Max Beckmann sait qu’il va devoir quitter l’Allemagne. À partir de cette date, et pendant ses dix années d’exil, son style va sensiblement évoluer. Pour la première fois, l’artiste utilise le format du triptyque, en réalisant Départ (1932-1933), malheureusement absent de l’exposition.
Les contours de ses sujets s’épaississent, les ombres s’amplifient, les couleurs gagnent en vivacité, les compositions sont plus éclatées. Ainsi dans le triptyque Acrobates (1939), une profusion de personnages, de détails et de motifs vient remplir l’espace, combler le vide et le silence, créant un sentiment d’étouffement et de capharnaüm.
Plus qu’une évolution formelle, les tableaux de la période d’exil mettent en cause le lien de l’artiste avec le réel. Max Beckmann va multiplier les références, les symboles, les allégories, les images, et créer une autre réalité, parallèle à la vie. Il invente son propre langage, polysémique et parfois hermétique.

L’invention d’une mythologie personnelle
Dans Carnaval (1942-1943), il fait référence à l’histoire et à la religion : sur le panneau de droite, il représente un Arlequin qui porte sur son dos une jeune femme, comme Adam et Ève quittant le paradis. Le paradis est représenté ici par l’Hôtel Éden de Berlin, dont les inscriptions figurent en arrière-plan. L’ange qui les chasse ressemble à Anubis, le dieu égyptien des morts, chargé de les accompagner vers le royaume éternel. Sur le panneau de gauche, Amsterdam (voir l’inscription sur le journal « Karnival Amsterdam ») et le IIIe Reich symbolisent la mort.
Dans de nombreux tableaux de cette époque, Beckmann fragmente la représentation en plusieurs plans, multiplie les détails surréalistes et nous plonge dans un univers onirique. C’est le cas notamment de Death (1938) où la narration se poursuit à l’endroit ou à l’envers. La composition en spirale provoque un effet d’étourdissement. Comme dans les fables, les hommes portent des masques d’animaux, et les animaux prennent des poses humaines.
Dans Dream of Monte Carlo (1940-1943), les croupiers se transforment en chevaliers armés, et les femmes prennent des poses lascives sur les tapis, alors qu’apparaissent en arrière-plan des personnages au visage maléfique.
Multipliant les référents fantastiques, l’artiste décrit aussi des situations réelles. À la fin de la guerre, en 1946, il peint Begin the Beguine, en référence à la chanson de Cole Porter, symbole de la Libération. Le tableau annonce un nouveau départ, une « troisième vie » comme l’écrit l’artiste. Deux personnages dansent un tango. Un troisième homme ressemble à Hermès, le messager céleste. Il offre au couple une clé et les invite à entrer dans une autre vie, celle de la liberté.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Les références à la guerre et à l’expatriation ont profondément marqué la production du peintre

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