Les mystères de Paul Ranson

L'ŒIL

Le 1 octobre 2004 - 365 mots

Une vingtaine d’années de carrière seulement et une mort prématurée à l’âge de quarante-huit ans ont fait que la postérité n’a pas offert la même place à Paul Ranson (1861-1909) qu’à ses camarades Pierre Bonnard ou Édouard Vuillard.
Depuis quelques années, expositions et publications – le catalogue raisonné paru chez Somogy en 1999 – s’attachent à redonner à l’artiste la visibilité qu’il mérite. Élève de l’académie Julian, Ranson rencontre Paul Sérusier en 1888 qui lui présente Bonnard, Denis, Roussel, Ibels, Vallotton, Vuillard. Avec eux, il constitue le groupe des Nabis et expose régulièrement à partir de 1891 chez Le Barc de Boutteville, galeriste qui jouera un rôle fondamental dans la reconnaissance de ces artistes.
De tous les Nabis, Paul Ranson est peut-être celui qui innove le plus sur le plan formel, représentatif de la volonté de l’époque de décloisonner les domaines et les pratiques, avec cette idée que l’art doit intervenir dans la vie quotidienne. Ranson peint, mais produit aussi des œuvres pour des tapisseries ou des broderies (Alpha et Oméga, 1893), décore des boîtes à cigares et des papiers peints, ce qui lui vaut d’être plus souvent associé à l’Art nouveau qu’à la peinture proprement dite. Ranson propose des visions allégoriques et des sujets religieux dans un traitement qui privilégie l’ornementation et le décoratif (La Visitation, 1894), les arabesques et le cloisonnisme (Femme pleurant, 1891), inspiré par les recherches de Gauguin et le japonisme. La nature est en pleine osmose avec des personnages et des animaux qui s’y fondent, comme le Tigre dans les jungles (1893) dont les rayures mêlées aux motifs végétaux composent un tableau d’une richesse graphique exceptionnelle. Au regard de cette rétrospective très complète d’une centaine d’œuvres – peintures, dessins, broderies… –, l’artiste apparaît comme une personnalité complexe à l’œuvre mystérieuse, qui oscille entre mélancolie et plaisir affiché de la couleur, ésotérisme (Paysage nabique, 1890 ; Hippogriffe, 1891) et mysticisme, « aux frontières du fantastique, du satanisme et de la sorcellerie », pour reprendre les mots de Maurice Denis.

« Paul Ranson », VALENCE (26), musée de Valence, 4 place des Ormeaux, tél. 04 75 79 20 80, www.musee-valence.org, 20 juin-17 octobre, cat. Somogy/musée de Valence, 176 p., 160 ill., 29 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°562 du 1 octobre 2004, avec le titre suivant : Les mystères de Paul Ranson

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