Les mises en boîte de Cornell et Duchamp

Depuis près d’un siècle, on se querelle autour de l’importance qu’il faut accorder à Marcel Duchamp. Maître incontesté du modernisme pour certains, manipulateur habile pour d’autres, l’œuvre de cet artiste n’a cessé de donner lieu à toutes les interprétations, des plus intelligentes aux plus erronées. Bien que limitée dans son propos, cette exposition, consacrée à sa collaboration avec Joseph Cornell, permet de clarifier nombre de points jusqu’alors restés en suspens. C’est en 1933, à New York, que Joseph Cornell rencontre Marcel Duchamp pour la première fois. Pourtant, il faudra attendre 1942 pour que l’amitié profonde qui les lie donne naissance à une véritable collaboration. À cette époque, Duchamp cherche un assistant pour l’aider à assembler ses fameuses Boîtes en valise, véritables musées portables retraçant son œuvre, agrémentés de notes inédites. Cornell, avec ses boîtes où se côtoient de méticuleux collages et des objets variés, est alors le candidat idéal. Les premières salles, composées de diverses œuvres de ces deux artistes, démontrent combien tous deux partageaient la même passion pour l’archivage de notes et la compilation d’informations. C’est durant cette période que Cornell commence à collecter le matériel pour une pièce intitulée Duchamp Dossier. Découverte après sa mort, cette œuvre inédite constitue indéniablement l’événement de cette exposition. La préciosité de l’ensemble, véritable théâtre poétique en l’honneur de Marcel Duchamp, allait ouvrir de nouvelles perspectives pour Joseph Cornell. Dans la dernière salle, on découvre, fasciné, que l’énigmatique Étant donnés 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage, dernière pièce de Marcel Duchamp, pourrait bien avoir été inspirée par plusieurs des boîtes de Cornell, cet artiste injustement considéré comme surréaliste.