Les « miroirs à âmes » de Philippe Ramette

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 20 décembre 2007 - 364 mots

À Chamarande, se joue enfin l’une des trop rares partitions monographiques de Philippe Ramette, l’homme au complet noir (lire L’œil n° 595). L’exercice à parfum rétrospectif explose le cadre de la série et a vite fait de balayer toute suspicion de systématisme. L’artiste y liste quelques-unes de ses opérations favorites : conception, réalisation, utilisation d’objets rationnellement bricolés dont il démontre la valeur d’usage en mettant les corps – le sien, le nôtre – en jeu.
Dès la première salle, le ton est donné avec quelques-uns de ses diables d’appareillages de bois, laiton et miroir à fixer sur le crâne. Boîte à isolement, objet à voir le chemin parcouru, à se voir regarder, à voir le monde en détail, les instruments venus d’un passé plausible invitent tous à une utilisation solitaire et cocasse. Quelque chose comme la place de l’artiste dont Ramette mesurerait et maintiendrait le déséquilibre permanent.
La visite se poursuit avec l’admirable et long mat coiffé d’un plateau réfléchissant, Miroir à ciel (1989-1990) portatif des tout débuts, ici curieusement et sculpturalement embusqué dans une montée d’escaliers. Suivent encore au rayon des productions nouvelles, un siège compact de gros bois qui n’attend que le derrière du visiteur hésitant pour que se déclenche une salve de rires de sitcom. Et plus loin, une mise en scène de meeting miniaturisée, dont l’estrade et les bancs couleur crèche s’affichent comme un écho adouci et ordonné de la potence en modèle réduit que Ramette, le pessimiste pragmatique, avait déjà envisagée en prévision de dictateurs potentiels.
Mais c’est à L’ombre de lui-même qu’il revient d’envelopper le plus sûrement de sa charge théâtrale l’ensemble du parcours : un spot lumineux, l’ombre nue de l’artiste projetée au sol, le costume – de scène – de Ramette étendu lui aussi au sol, vide et redoublant évidemment sa présence charnelle. Le dispositif frappe au cœur même du climax de l’artiste, comme un temps d’arrêt dans une exposition qui rappelle à quel point un Ramette n’est jamais mieux accompagné que par un autre Ramette. Histoire d’en clarifier les enjeux. C’est-à-dire de les maintenir au mieux dans leur généreuse ambiguïté.

« Philippe Ramette », domaine départemental de Chamarande (91), tél. 01”‰60”‰82”‰52”‰01, jusqu’au 3 février 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°598 du 1 janvier 2008, avec le titre suivant : Les « miroirs à âmes » de Philippe Ramette

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