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Les illuminations de Turrell

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 juin 2002 - 377 mots

Replaçant l’homme au cœur de l’expérience artistique, les impeccables et lumineuses installations de James Turrell se suivent et ne se ressemblent pas.

Celle que nous donne à voir la galerie Almine Rech tient une fois encore ses promesses. A la suite d’un couloir sombre, Turrell a disposé un large rectangle de lumière orangée. Petit à petit émerge un cadre ténu de lumière blanche et légère qui vient défaire l’impression première de planéité. Puis c’est la surface colorée qui semble se creuser. Le temps de cette expérience silencieuse et solitaire, le regardeur se laisse envelopper et guider par ses sensations jusqu’à éprouver le champ de lumière et se tenir dans l’œuvre elle-même. Rendre la lumière physiquement sensible, lui donner une dimension corporelle et constructive, tel est son propos. « Ce que je cherche, dit Turrell, c’est ce point de jonction, cette zone où la vision venant de l’extérieur rencontre une vision générée de l’intérieur. » La lumière agit ici non pas comme un relais vers une sorte de transcendance, mais comme une révélation, une rencontre de l’imagination et de la perception physique. Créée pour le lieu, l’installation donne un avant-goût des expériences visuelles ou sensuelles promises par le titanesque projet du Roden Crater, démarré dans les années 70 lorsque Turrell fit l’acquisition d’un volcan éteint aux confins de l’Arizona. Depuis près de trente ans, l’artiste creuse, perce et aménage tunnels et chambres d’observation destinés à rendre hommage à la voûte céleste, ses lumières, ses petits et grands événements. Alternant puits de lumières, longs couloirs grimpant vers le ciel, lumière artificielle, reflets des astres, le voyage au cœur du cratère (prévu pour 2004) s’annonce comme un parcours poétique teinté de mysticisme, une exaltation permanente de la vision, intégrant la cartographie du ciel et ses mouvements ; l’œuvre (monumentale) fait la part belle à la « perception comme médium » autant qu’à l’expérience qui en est faite. Mise en forme de la lumière, réconciliation de l’esprit et de la matière, pédagogie de la perception, petit homme et grand cosmos, autant de tentations séculaires un brin new-age, desquelles Turrell s’extirpe finalement par quelques pirouettes théoriques et un sens manifeste de la belle installation.

- PARIS, galerie Almine Rech, 127, rue du Chevaleret, tél. 01 45 83 71 90, 10 avril-27 juillet.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°537 du 1 juin 2002, avec le titre suivant : Les illuminations de Turrell

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