Les histoires sans paroles du Suisse Thomas Huber

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 21 novembre 2008 - 345 mots

Il faut savoir dépasser ce trouble qui assaille toujours le spectateur lors d’une première rencontre avec la peinture du Suisse Thomas Huber.

Ce ressenti devant les espaces désincarnés que ce quinquagénaire peint à l’huile depuis 1982. Son monde est celui du silence et de la solitude. Qu’ils soient bibliothèques, salles d’exposition, ateliers, les espaces qu’Huber représente avec une minutie maniaque restent des projections mentales nourries d’histoire de l’art, de perspective centrée et d’architecture constructiviste.
À la manière des tableaux d’architecture silencieux du xviie siècle hollandais, les quelque cinquante toiles exposées à Nîmes posent avec obstination un décor froid et habité de losanges. L’ultra-acuité des scènes tranche avec l’énigmatique quasi psychanalytique des sujets représentés.
Beaucoup raconter mais ne rien donner avec facilité. Ici, le spectateur travaille. « Je crois que chacun de mes tableaux recèle en lui trois histoires. La première est celle de son élaboration. […] Le deuxième récit concerne la propre histoire du tableau, celle de tous les tableaux dans lesquels le mien vient s’insérer et auxquels il se réfère, celle de la tradition par laquelle il se définit. […] Enfin, la troisième chronique est celle de l’artiste en personne, l’histoire de sa vie. […] Cet aspect narratif est très important pour moi. »
L’exposition du Carré d’art s’est tournée vers la production bidimensionnelle de l’artiste, mais ce dernier construit aussi une ville en maquette (Huberville) dont on avait pu voir un extrait au Frac des Pays de la Loire en 2005, comme si une toile était devenue pénétrable. À Nîmes, l’exercice reste mental. D’ailleurs, la facture fait penser au style « calme » et évident d’un Magritte. Et comme le maître du surréalisme, Huber aime cultiver les doubles-fonds et les mises en abîme. Cet effet gigogne agit d’autant plus efficacement que les salles d’exposition du Carré d’art s’organisent en boîtes blanches feutrées et coupées de l’extérieur. Le parfait écrin pour la peinture solitaire de Thomas Huber.

Voir

« Thomas Huber, la langueur des losanges », Carré d’art
16, place de la Maison-Carrée, Nîmes (30)
tél. 04 66 76 35 70
jusqu’au 4 janvier 2009.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°608 du 1 décembre 2008, avec le titre suivant : Les histoires sans paroles du Suisse Thomas Huber

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