Jusqu’au 13 mai 2012

Les histoires crédibles de Lejeune

Château de Versailles - Versailles (78)

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 22 mars 2012 - 326 mots

En 1801, les visiteurs du Salon découvrent, médusés, La Bataille de Marengo. La toile est grande et large. Sur la gauche, Napoléon, nimbé d’une fumée épaisse, monte un cheval cabré. Sur la droite, Alexandre Berthier polarise le regard, ainsi que ce beau jeune homme en costume bleu ciel dont la grandeur le dispute à la blondeur – Louis-François Lejeune (1775-1848), auteur du tableau et capitaine dans le corps du génie, autrement dit artiste et militaire.

À la perspective aérienne du tableau répond un sens du détail étourdissant, comme si le peintre avait tenu à conjuguer une ampleur macroscopique et un souci miniaturiste, l’Histoire et ces petites histoires qui agrémentent l’odyssée du goût de la vie et la vérité de celui de l’anecdote : derrière cette apothéose majuscule, un soldat vaincu se suicide tandis qu’un chien hurle à la mort – celle qui traverse la composition et vient de frapper son maître.

Cette savante machine résume toutes les aspirations, artistiques et idéologiques, de Lejeune qui, depuis Charleroi (1794) jusqu’à la Moskova (1812) en passant par la guerre d’indépendance espagnole, couvrit toutes les batailles napoléoniennes avec un scrupule historique dilué par un soupçon propagandiste. Les treize tableaux, souvent nés de sa participation active à l’événement, attestent un sens aigu du reportage comme de la recomposition, Lejeune affinant ses œuvres grâce à des relevés topographiques au parfum d’Infaillible (Esquisse de la bataille de Lodi, 1804).

Exemplaire, l’exposition versaillaise ne capitule jamais devant l’enjeu souterrain d’un tel parcours : décrypter chaque tableau, en analyser la part de vérité et de vraisemblance, d’authenticité et d’apologue, envisager en chaque toile une œuvre, parfois séduisante, et une image, toujours éloquente. Traversant les régimes avec tact, l’artiste accueillit honneurs et fonctions avec soin, certain que l’honneur peut dépendre de l’insigne d’une légion, d’une charge de maire ou d’un nom gravé sur l’Arc de triomphe. Lejeune eut tout cela.

Voir « Les Guerres de Napoleon. Louis-Francois Lejeune, general et peintre »

Château de Versailles, place d’Armes, Versailles (78), www.chateauversailles.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°645 du 1 avril 2012, avec le titre suivant : Les histoires crédibles de Lejeune

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