Musée

Arts décoratifs

Les folles chinoiseries

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 20 juillet 2007 - 523 mots

PARIS

Avant de faire l’objet d’une approche archéologique, les arts d’Extrême-Orient ont été un ferment du rococo.

PARIS - Après les rigueurs et les conventions du classicisme du XVIIe siècle, le goût européen a été balayé par un vent de légèreté soufflant d’Extrême-Orient. En 1684, la venue des ambassadeurs du Siam à la cour de France et les cérémonies organisées à cette occasion donnent le coup d’envoi d’une mode de la « chinoiserie » qui va se propager comme une traînée de poudre dans les cours avides de nouveauté, de Versailles à Dresde, de Londres à Tsarskoe Selo (Saint-Pétersbourg). Déjà passionnés par les objets rares en laque et porcelaine importés par les compagnies marchandes, artistes et ornemanistes nourrissent leur imaginaire des descriptions de costumes et d’architectures de la mythique Cathay de Marco Polo. « Les récits illustrés, loin de favoriser une imitation exacte, ont alimenté chez les artistes les rêves les plus bizarres et contribué à répandre l’idée d’un Extrême-Orient qui serait l’empire de l’extravagance », écrit Georges Brunel, commissaire de l’exposition du Musée Cernuschi, à Paris, en introduction au catalogue. Lassés par les thèmes mythologiques et héroïques, les collectionneurs s’enthousiasment pour les peintures et tapisseries aux thèmes exotiques, genre dans lequel s’illustre François Boucher (1703-1770). De cet artiste collectionneur de pièces asiatiques, les frères Goncourt diront au XIXe siècle qu’il avait fait de la Chine « une province du rococo ». Les esquisses du Musée de Besançon pour la Suite chinoise (1742), destinée à être tissée par la manufacture de Beauvais, illustrent sa manière occidentale de traiter ces sujets exotiques. Boucher, avec Antoine Watteau et Jean-Baptiste Pater, font toutefois figure d’exception dans le milieu des peintres, ce goût s’étant davantage propagé dans le domaine des arts décoratifs et notamment la céramique. C’est le sujet principal de cette exposition, plongée dans une scénographie « chinoisante ». Pendant plusieurs décennies, toutes les manufactures de céramique européennes – Vincennes puis Sèvres, Saint-Cloud, Delft, Meissen… – se sont évertuées à copier, sans succès, la porcelaine chinoise, dont le secret réside dans l’utilisation du kaolin, découvert seulement vers 1710 en Saxe. Juxtaposés, les théières en porcelaine tendre – tentatives d’imitation – et les originaux chinois révèlent à quel point le matériau joue dans la qualité et le rendu final de l’objet. Les planches d’ornemanistes témoignent quant à elles du processus créatif stimulé par cet orientalisme, les fantaisies chinoises se greffant sur un substrat rocaille. Un domaine dans lequel a excellé Jean-Baptiste Pillement (1728-1808), artiste et grand voyageur essaimant cette mode à travers l’Europe. On regrettera toutefois que le mobilier soit le grand absent de cette exploration d’un temps fécond de l’histoire du goût. Comme le rappelle Thibault Wolvesperges dans le catalogue, les marchands merciers ont joué un rôle majeur dans la stimulation de ce goût, important des panneaux de laque montés sur les meubles luxueux des plus célèbres ébénistes de l’époque, Bernard Van Risen Burgh (B.V.R.B.), Martin Carlin ou Adam Weisweiler.

Pagodes et dragons, exotisme et fantaisie dans l’Europe rococo, 1720-1770

Jusqu’au 24 juin, Musée Cernuschi, 7, av. Vélasquez, 75008 Paris, tél. 01 53 96 21 50, www.cernuschi.fr. Catalogue, éd. Paris Musées, 296 p., 54 euros, ISBN 978-2-87900-993-3

PAGODES ET DRAGONS

- Commissariat : Georges Brunel, directeur du Musée Cognacq-Jay - Nombre de salles : 5

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°255 du 16 mars 2007, avec le titre suivant : Les folles chinoiseries

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