Les contrées cérébrales de Katrin Sigurdardottir

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 octobre 2006 - 346 mots

La visite de l’exposition de Katrin Sigurdardottir au Frac Bourgogne à Dijon aurait pu ressembler à ces mauvais coups que réservent parfois les artistes à leurs contemporains : un moment d’ascétisme dépouillé qui laisse pantois et déçu tant il y a peu à voir. Mais, comme bien souvent avec ce type de dispositifs minimaux, le principal est ailleurs.
L’entrée est occupée par de hautes parois recouvertes d’une photographie prise par Timothy O’Sullivan en 1871, une de ces images icônes du paysage américain. Un passage étroit permet d’accéder derrière cette vue de canyon à l’espace d’exposition… vide. Seul l’arrière de la photo s’affiche comme la métaphore de l’artifice du paysage américain, articulation d’une construction culturelle à des sites naturels remarquables. Le paysage dépend de la projection culturelle de chacun car il n’existe pas à l’état naturel, c’est une construction, le fait est établi depuis longtemps.
Sigurdardottir fouille notre propension à construire nos paysages en temps réel. Pour elle la question est d’autant plus aiguë. L’Islande est omniprésente à travers des paysages qui évoquent plus qu’ils ne définissent.
Ces paysages, elle en construit de toutes sortes : dans des valises, miniatures le plus souvent et parfois, comme c’est le cas à Dijon, à grande échelle, dans son matériau de prédilection, les cimaises temporaires d’exposition avec leur face blanche et le revers brut en bois. C’est avec ces dernières qu’elle a élaboré une étrange structure prismatique, sorte de grotte glacière que l’on pénètre seul, à l’arrière du bâtiment du Frac.
Par un jeu complexe d’observation dans un miroir, à travers une vitre sans tain, on parvient à observer l’intégralité de la construction blanche. Comme un glacier spontané et sauvage, une greffe d’Islande en terre bourguignonne. Ensuite, il faut projeter ce paysage immaculé, le sortir de son abstraction géométrique pour saisir la complexité des relations physiques que l’artiste met en place.
Sortir du Frac pour entrer dans son monde, une grotte, réduite, l’intériorité poussée à son paroxysme. Le paysage est bien une vue de l’esprit.

« Katrin Sigurdardottir », Frac Bourgogne, 49, rue de Longvic Dijon (21), www.frac-bourgogne.org, jusqu’au 28 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°584 du 1 octobre 2006, avec le titre suivant : Les contrées cérébrales de Katrin Sigurdardottir

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