Art contemporain

Lebel in situ, l’artiste et les situationnistes à Vienne

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 408 mots

Si certains déplorent la présence trop discrète des artistes français dans les musées étrangers, le Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig – dont la collection permanente est riche d’œuvres de Lavier, Perrin ou Vilmouth – offre au public viennois « deux positions avant-gardistes françaises ». À côté de l’« Internationale situationniste 1957-1972 », Jean-Jacques Lebel présente un ensemble de pièces réalisées depuis 1951.

VIENNE. Au détour d’un couloir sont exposés, dans des vitrines, des gants encore ensanglantés, différentes pièces à conviction, les armes de crimes ou des affichettes annonçant des peines capitales, tandis que le hachoir à viande qui a permis à Adrienne Eckhardt de fracasser le crâne de Johann Arthold trône sur un piédestal. Le Wiener Kriminal­museum (Musée viennois du crime) renferme une multitude d’objets étonnants, dans une atmosphère qui n’est pas des plus gaies. Pour son exposition viennoise – et soucieux de partir d’une réflexion sur le contexte politique et historique de la ville –, Jean-Jacques Lebel a signé et s’est approprié cette “institution ready made d’une singulière gravité”. Avec la complicité du directeur de ce musée privé, l’artiste y montre même un Mausolée pour le crime absolu dénonçant les machines hitlériennes et staliniennes. D’autres lieux chargés d’histoire font également partie d’une promenade introductive à l’exposition du Français : l’adresse viennoise de Sigmund Freud, ou l’École des beaux-arts qui refusa d’accueillir un peintre nommé Adolf Hitler. La manifestation s’ouvre d’ailleurs à la 20er Haus avec son Grand Tableau Antifasciste Collectif de 1961, toile contre la guerre d’Algérie de quatre mètres sur cinq, réalisée en Italie avant d’être confisquée pendant vingt-quatre ans par la police de ce pays. Jean-Jacques Lebel, qui a travaillé avec Oldenburg, Kaprow, Schnee­mann, Erró, Filliou, Nam June Paik ou Yoko Ono, et a organisé le premier happening européen à Venise en 1960 (L’Enterrement de la Chose), présente à Vienne une rétrospective de ses collages, installations et peintures. L’espace central du musée expose curieusement ses œuvres en face de celles de membres de l’Internationale situationniste. Cet accrochage est malheureusement de nature à créer une confusion chez le non-initié entre les positions de Lebel et celles du mouvement de Guy Debord.

JEAN-JACQUES LEBEL, jusqu’au 15 mars, Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig, 20er Haus, Arsenal­strasse 1, Vienne, tél. 43 1 317 69 00, tlj sauf lundi 10h-18h ; Kriminal­museum, Grosse Sperlgasse 24, tél. 43 1 214 46 78, tlj sauf lundi 10h-17h ; Galerie Chobot, Domgasse 6, tél. 43 1 512 53 32, mard.-vend. 16h-19h, sam. 11h-17h.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Lebel in situ

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