Le privé sort de l’ombre

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 novembre 2004 - 380 mots

Signe des temps ou prudente mutation des mentalités, la collection privée française a le vent en poupe. Ou plutôt le collectionneur qui, cette année tout particulièrement, semble vouloir sortir du bois. Ces vingt dernières années, les institutions avaient bien tenté quelques incursions plus ou moins assumées de la figure du collectionneur et du patrimoine privé dans leurs murs. On se souvient notamment de la belle et copieuse exposition de Suzanne Pagé au musée d’Art moderne de la Ville de Paris et de son remarquable catalogue consacré à la passion du collectionneur d’art. Mais presque toujours, montrer des collections privées dans les institutions françaises passe par une justification de la pratique même de la collection, par une mise en scène racontant obsessions, mystères et autres petites névroses supposées du pratiquant. Un collectionneur qui semble aujourd’hui (modestement) sortir de sa réserve traditionnelle. Il s’affiche, promeut, s’engage, défend, participe à des commissions, crée, remet des prix, et rappelle qu’il est évidemment l’un des maillons justifiant l’ensemble du système et du marché. Et si son profil change, rajeunit, notamment par la diversification des pratiques et des supports (multiples, photographies et autre vidéos), le collectionneur modeste, gourmand, prodigue ou amateur, affiche toujours la conviction profonde d’absorber le temps présent. Et avec l’ambition parfois de tricoter l’histoire même. C’est à ce principe d’enregistrement de l’air du temps, que le musée des Beaux-Arts de Tourcoing, en collaboration avec l’Association pour la diffusion internationale de l’art français, s’attache pour un mois encore. En résulte une exposition abondante, passionnante, photographiant la sensibilité artistique française des trois dernières années autant que les pratiques multiples de la collection. Un parcours qui embrasse tout à la fois le collectionneur professionnel, le galeriste, que l’amateur éclairé. Les Bob Calle, Antoine de Galbert, Christophe Durand-Ruel, Gilles Fuchs, Daniel et Florence Guerlain, Gabrielle et Georges Salomon autant que ceux qui maintenaient jusqu’ici une relation d’ordre privé, domestique et quotidienne avec une collection en devenir. John Armleder, Michel Blazy, John Isaacs, Bertrand Lavier, James Turrell ou Wang Du, Éric Poitevin, Rodney Graham ou encore Philippe Parreno agencent alors un improbable agrégat, une affriolante guirlande d’œuvres, incarnant regards et patrimoine privés d’aujourd’hui.

« De leur temps, collections privées françaises », TOURCOING (59), musée des Beaux-Arts, 2 rue Paul Doumer, tél. 03 20 28 91 60, jusqu’au 6 décembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°563 du 1 novembre 2004, avec le titre suivant : Le privé sort de l’ombre

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