centre d’art

Le miracle Atget

L'ŒIL

Le 1 septembre 2000 - 326 mots

Toute exposition des photographies d’Eugène Atget (1857-1927) est un plaisir rare qu’il convient de savourer. Celle actuellement présentée à l’Hôtel de Sully restera sans aucun doute comme l’une des plus réussies jamais organisées en France. À quoi tient ce petit miracle ? Sans doute à la beauté des images, mais aussi à la cohérence d’un accrochage refusant toute célébration simpliste. Ce que prouve cette exposition ? Simplement qu’Atget est l’un des inventeurs de la photographie moderne. Pour convaincre les spectateurs, les conservateurs ont eu la merveilleuse idée d’insérer quelques images de ceux qui n’ont jamais cessé de revendiquer la dette qu’ils lui devaient (Walker Evans, Berenice Abbott ou Lee Friedlander). En France, on a longtemps aimé regarder les images d’Atget comme de précieux témoignages d’un Paris agonisant sous les coups de pioche du XXe siècle. La légende dorée raconte que cet ancien acteur n’était devenu photographe que par dépit. En effet, à 40 ans passé, il débute son extraordinaire travail de documentation du vieux Paris pittoresque, de ses cours, de ses petits métiers en voie de disparition, de ses églises, ses statues et fontaines.
En près de 20 ans il accumule près de 10 000 images de la capitale et de ses environs (parcs de Versailles et de Sceaux). Ses clients ? Des artistes, des institutions, des amateurs. Pourtant la spécificité d’Atget ne réside pas uniquement dans ses thèmes mais bien dans l’objectivité de ses vues. Atget cherchait à produire des documents photographiques. Tout est mis au service d’une lecture immédiate de l’image. C’est en cela qu’il devient après sa mort en 1927 un merveilleux exemple pour toute l’avant-garde européenne et américaine lassée des effets du pictorialisme ou des solutions proposées par la Nouvelle Objectivité. Atget devient celui qui, le premier, ose produire des photographies où rien ne s’interpose entre le sujet et l’observateur. Somme toute le programme de la modernité !

PARIS, Hôtel de Sully, jusqu’au 11 septembre, cat. éd. Marval, 208 p., 390 F.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°519 du 1 septembre 2000, avec le titre suivant : Le miracle Atget

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