Asie

Le bronze chinois à toutes les sauces

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · Le Journal des Arts

Le 15 octobre 2013 - 501 mots

Longtemps boudés par les historiens de l’art, les bronzes tardifs chinois sont à l’honneur au Musée Cernuschi. Vers une réhabilitation ?

PARIS - Amateurs de bronzes archaïques chinois, vous risquez d’être peu déçus par la dernière exposition du Musée Cernuschi, à Paris. Car loin de présenter la fine fleur de ces vases rituels dont le bestiaire fantastique et la belle patine turquoise séduisent les collectionneurs, Michel Maucuer, le commissaire, a rassemblé une centaine de pièces allant des Song (960-1279) aux Qing (1644-1911) : soit une production généralement boudée par les esthètes qui lui reprochent sa lourdeur et son manque d’inventivité. Mais là où notre jugement occidental stigmatise à l’envi la répétition des formes et des usages, les collectionneurs chinois, à l’inverse, voient dans ces pièces tardives un magnifique hommage rendu aux reliques du passé.

Peu de civilisations ont, en effet, autant érigé le culte des ancêtres et la fascination pour l’antique que la Chine ancienne. Matériau associé, par excellence, aux concepts de pérennité et d’éternité, le bronze matérialisait ainsi le symbole de l’autorité impériale. Lié au culte des ancêtres, il intervenait aussi dans la fabrication des vases rituels dont les formes et les usages étaient savamment codifiés : certains étaient destinés aux boissons fermentées ou à l’eau, d’autres aux aliments solides. Il faudra cependant attendre la rédaction de savants ouvrages sous la dynastie des Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.) pour que l’on connaisse plus précisément le bon déroulement des cérémonies et des rites protocolaires qui s’y rattachaient.

Mais c’est à la dynastie des Song (960-1279) qu’il incombera de restaurer les rites antiques dédiés aux ancêtres impériaux, au Ciel et à la Terre. Naît alors un véritable engouement pour les vases rituels en bronze, que l’on se met à collectionner avec frénésie, au même titre que les peintures et les calligraphies. Mieux, des recettes de restauration, d’imitation et même de contrefaçon fleurissent, engendrant une production des plus éclectiques. Les artisans ne reculent ainsi devant aucun effort pour tenter d’imiter les jointures propres aux bronzes archaïques, les effets « couleur de marmite » (une teinte brune suggérant que la pièce a été découverte « depuis plus de mille ans »), ou la belle patine « verte comme le jade » (évoquant le long séjour dans la terre).
De prime abord sclérosante, cette vénération pour l’antique eut cependant d’heureuses répercussions sur la création. Non contente de perpétuer des formes et des décors (ainsi les techniques d’incrustation), elle donna naissance à une esthétique de l’assemblage et du fragment. Soit un goût pour l’étrange, le bizarre et le « rejeté », qui sera le propre de la culture des lettrés.

Bronzes de la Chine impériale, du Xe au XIXe siècle,

jusqu’au 19 janvier 2014, Musée Cernuschi-Musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris, 7, av. Vélasquez, 75008 Paris, tél. 01 53 96 21 50, tlj sauf lundi 10h-18h, www.cernuschi.Paris.fr
À lire, Bronzes de la Chine impériale des Song aux Qing, du Xe au XIXe siècle, par Michel Maucuer, éd. Paris Musées, 239 pages, 39 €.

Légende photo

Vase en forme de bélier (yangzun), dynastie des Qing, XVIIe ou XVIIIe siècle, alliage cuivreux orange. Patine sombre, presque noire et vert foncé à l’extérieur, 32 x 42 cm, Musée Cernuschi, Paris. © Photo : Stéphane Piera/Musée Cernuschi/Roger-Viollet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°399 du 18 octobre 2013, avec le titre suivant : Le bronze chinois à toutes les sauces

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