Le bonheur discret de David Teniers

L'ŒIL

Le 1 janvier 2006 - 445 mots

David Teniers était l’un des plus doués parmi la génération dorée de la peinture flamande. Une grande exposition, à la Staatliche Kunstalle de Karlsruhe, est l’occasion de le redécouvrir.

David Teniers naît à Anvers en 1610. Il vient après Quinten Metsys (1465-1530), après Pieter Bruegel l’Ancien (1525 ?-1569), Pieter Bruegel le Jeune (1564-1638) et Jan Bruegel dit de Velours (1568-1625), après Pieter Pauwel Rubens (1577-1640), Jacob Jordaens (1593-1678) et Antoon Van Dyck (1599-1641). Ces talents illustres sont produits comme à la chaîne par le système anversois, qui s’appuie sur une corporation puissante, en l’occurence la guilde de Saint-Luc, et un port qui fait circuler œuvres, idées, argent, matériaux.
De cette école, David Teniers est l’un des plus brillants élèves. Formé dans l’atelier de son père, qui était lui-même peintre émérite, il est reçu, dès l’âge de 22 ans, comme franc maître à la guilde de Saint-Luc. Les sujets de ses tableaux n’ont rien du grandiose, du Religieux, de l’Historique, que Rubens a déjà transfigurés de sa fougue. Ce sont des scènes domestiques, de la vie quotidienne, des intérieurs de tavernes, et bientôt tous les labeurs et festivités de l’existence paysanne.
À ce genre populaire, il apporte une extraordinaire virtuosité, dans le rendu des matières, des lumières, et une science de la composition qui garde à l’ensemble un air innocent.
Au siècle suivant, Diderot dira de lui : « Il exécute une composition à trente ou quarante personnages comme le Guide, le Corrège ou le Titien font une Vénus toute nue. Les teintes qui discernent et arrondissent les formes se fondent les unes dans les autres si imprévisiblement que l’œil semble n’en apercevoir qu’une seule du même blanc. De même dans Teniers le spectateur cherche ce qui donne de la profondeur à la scène, ce qui sépare cette profondeur en une infinité de plans, ce qui fait avancer ou reculer les figures, ce qui fait circuler l’air autour d’elles, et ne le trouve pas. »

Un peintre subtil et bon enfant
Ce savant ordonnancement, mis au service d’un genre agréable et populaire, fait de Teniers, du XVIIe jusqu’au XIXe siècle, un peintre à la fois recherché, dans toute l’Europe, des collectionneurs et des cours, et une figure aimée de la foule, à laquelle il s’expose encore par les moyens naissants de l’industrie, dont Anvers était un riche concentré : imprimerie, gravure, porcelaine ou tapisseries. Ainsi, au XVIIe siècle, on appelait « Tenières », les tapisseries conçues à partir des motifs du maître.
En réunissant une centaine de ses tableaux, qui sont éparpillés dans le monde entier, l’exposition de Karlsruhe donne à voir, dans une œuvre qu’on dirait à première vue d’un seul tenant, les évolutions subtiles et la discrète ironie.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : Le bonheur discret de David Teniers

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