L’art au temps des Ayyoubides

L’Ima célèbre la création à l’époque du sultan Saladin

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 21 décembre 2001 - 697 mots

PARIS

À travers quelque 250 objets, provenant essentiellement des musées d’Égypte et de Syrie, l’Institut du monde arabe (Ima) célèbre l’art au temps des Ayyoubides, dynastie fondée au XIIe siècle par Saladin, qui unifia les vastes territoires du Proche-Orient. Quelque peu austère, la présentation des objets évoque une période durant laquelle sobriété et modération étaient de mise, notamment dans la production artistique.

PARIS - Personnage épique, disciple du jihad, chef de guerre ambitieux, Saladin, Salah el-Din el Ayyoubi, est aussi le fondateur d’une dynastie qui régna sur une large partie du Proche-orient arabe – Syrie, Égypte, Mésopotamie dans sa quasi-totalité et une grande partie de la péninsule arabique, Yémen compris – pendant moins d’un siècle (1174-1250). L’Institut du monde arabe lui consacre aujourd’hui une importante exposition. “Plus que l’art ayyoubide, c’est l’art au temps des Ayyoubides, qu’il soit de commande ou non, que nous nous proposons de faire découvrir au public. C’est-à-dire l’art du Proche-Orient arabe sous le règne du fondateur de la dynastie et de ses successeurs jusqu’à l’avènement des Mamelouks dans la sphère syro-égyptienne”, précise Sophie Makariou dans le catalogue. Un mihrab, niche indiquant la direction de La Mecque pour la prière, datant de la fin du XIe siècle, de proportion allongée, assez détérioré et sur lequel sont inscrits des versets coraniques, accueille le visiteur. Le décor autour de l’arc rappelant ceux des reliefs fatimides, la petite palmette à trois lobes similaire à celle du minaret de la grande mosquée d’Alep, évoquent les nombreuses influences qui ont enrichi l’art ayyoubide. Contrairement à l’exposition de l’année dernière consacrée à l’art des Omeyyades (lire le JdA n° 118, 5 janvier 2001), qui, sans artifice, célébrait les fastes de l’Andalousie de l’an mil, la présentation des pièces de la période ayyoubide est excessivement sobre et les quelques morceaux d’architecture jalonnant le parcours de l’exposition donnent une impression de sévérité. L’absence de façades sophistiquées et de riche mobilier correspond à une architecture essentiellement défensive, en cette période de conquêtes, et au rétablissement progressif des enseignements du sunnisme – après deux siècles de domination fatimide chiite – dans un climat de spiritualité et de simplicité, atmosphère que la scénographie, des cimaises d’un blanc éclatant et des vitrines neutres, tend à restituer.

Verre doré, métal incrusté
Malgré le dédain des Ayyoubides pour les objets de luxe, c’est pendant cette période que la production de verre émaillé et doré s’épanouit en Syrie. Le plus ancien témoignage de cet art, qui jouissait d’un grand prestige, est le gobelet réalisé vers 1181-1207, exposé aux côtés d’un fragment de verre ou encore d’une bouteille réalisés selon la même technique. Le vase Barberini, du nom du pape à qui il appartenait, mêlant inscriptions arabesques et scènes figurées sur le thème de la chasse, le bassin au nom du sultan al-’Âdil II sur lequel se déploient de délicates figures ou l’aiguière au nom du sultan Salâh al-Dîn Yûsuf, avec son réseau décoratif complexe, constituent eux aussi de belles exceptions à la règle d’austérité caractérisant la production sous les Ayyoubides. Ils révèlent leur goût prononcé pour le travail du métal incrusté d’argent, de cuivre rouge et parfois d’or. Plus que les moulures et gravures des métaux fatimides, les incrustations permettent de faire ressortir les motifs et scintiller les surfaces, en absorbant la lumière. Outre les pièces de verrerie et de métal, l’exposition donne à voir quelques belles céramiques, tel un étonnant ensemble de trois bouches de fontaine – traditionnellement réalisées en bronze – en rondes-bosses, trouvées à Raqqa (Syrie) en 1924, représentant un coq, un sphinx et un cavalier luttant contre un dragon. Le traité d’armurerie de Saladin rédigé par Murdâ Ibn ‘Alî al-Tarsûsî ou le fragment de peinture représentant une scène de bataille au pied de remparts évoquent l’organisation militaire des Ayyoubides, tandis que les monnaies d’or (dinars), d’argent (dirhams) ou de cuivre (fulûs) rappellent l’importance des échanges commerciaux.

- L’ORIENT DE SALADIN – L’ART DES AYYOUBIDES, jusqu’au 10 mars, Institut du monde arabe, 1 rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris, tél. 01 40 51 38 38, tlj sauf lundi, 10h-18h. Catalogue, éditions Gallimard, 240 p., 350,94 francs (53,50 euros). Autre parution, Jean-Michel Mouton, Saladin, le sultan chevalier, éditions Gallimard Découvertes avec l’Ima, 128 p., 76 F (11,59 euros).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°139 du 21 décembre 2001, avec le titre suivant : L’art au temps des Ayyoubides

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