Archéologie

Expédition

Lapérouse ou les limbes du Pacifique

Expédition Lapérouse ou les limbes du Pacifique

Par Julie Portier · Le Journal des Arts

Le 6 mai 2008 - 689 mots

PARIS

PARIS - Au terme de 200 ans de recherches archéologiques, le Musée national de la Marine, à Paris, ravive le mythe de la tragique expédition Lapérouse.

L’aventure commence au lendemain de la signature du Traité de Versailles le 3 septembre 1783, quand Louis XVI profite des temps de paix pour confier au commandant Lapérouse l’ambitieuse mission de mener deux navires pour un tour du monde, dont ils ne reviendront jamais. Le 1er août 1785, 220 marins, mais aussi des scientifiques, des naturalistes, des peintres embarquent pour un voyage sous le signe des Lumières, qui se donne pour objectif de « raconter le monde ». Il s’agit aussi de redorer le blason de la marine française en tentant de combler le retard pris sur l’Angleterre qui peut se targuer d’une avancée considérable dans la découverte du Pacifique grâce aux expéditions de James Cook. Pendant trois ans, la Boussole et l’Astrolabe sillonnent les océans de Brest à Hawaï, des côtes du Brésil aux banquises de l’Alaska, puis de Californie en Chine, de la Mongolie à la pointe de la Sibérie et enfin des rives australiennes à la Nouvelle-Calédonie, avant de sombrer, une nuit de juin 1788, dans les eaux tumultueuses du Pacifique. Secouée par la Révolution, la France oublie ses naufragés avant de partir à leur recherche en 1791. Malgré l’échec de son expédition, l’amiral d’Entrecasteaux aperçoit un îlot volcanique à l’horizon : Vanikoro (Îles Salomon), où il sera plus tard révélé que deux survivants de l’infortune y attendent leur sauvetage. Le mystère s’épaissit autour de l’odyssée funeste alors qu’est publié en 1797 le Voyage de Lapérouse autour du monde à partir des planches et des textes rapportés par le jeune Barthélémy de Lesseps, seul rescapé, débarqué lors de l’escale sibérienne. Sur l’ouvrage en quatre volumes se forge un mythe qui va connaître une longue histoire, alimenté à la Restauration pour honorer la mémoire d’un roi humaniste – en témoigne le tableau commandé à Nicolas-André Monsiau, Louis XVI donnant des instructions à Lapérouse. Au XIXe siècle, une abondante littérature, des gravures et des pièces de théâtre s’approprient la terrible épopée sur laquelle le capitaine irlandais Peter Dillon lève le voile en 1827 quand il localise avec certitude le lieu du naufrage. L’année suivante, Dumont d’Urville sort des eaux océaniennes une ancre et un canon comme preuves irréfutables que la Boussole et l’Astrolabe y ont été engloutis quarante ans plus tôt.
L’exposition mime, dans un parcours en aller-retour, le périple qui s’achève sur les récifs de l’archipel de Santa Cruz, avant de repartir sur les traces des deux épaves. À l’arrivée, un hommage est rendu aux archéologues plongeurs de l’Association Salomon, dont les missions de 1981 à 2005 à Vanikoro ont permis de retrouver les milliers de pièces de cette reconstitution. À ces fouilles titanesques succède un travail muséographique d’une extrême rigueur : les manuscrits, lettres, cartes, et tableaux prêtés par plusieurs musées se conjuguent aux vestiges de la Boussole et de l’Astrolabe pour faire revivre toutes les étapes d’un voyage comparable aujourd’hui à une expédition sur la lune. Entre les sextants et horloges astronomiques, les coquillages et les graines minutieusement collectés, ou encore les scènes locales décrites dans les dessins de Gaspar Duché de Vancy, se recompose le projet humaniste qui anima les voyageurs. Les cadeaux de bienvenue comme les calebasses d’Amérique du Sud ou la vaisselle achetée lors d’une escale chinoise portent le souvenir ému de la rencontre pacifique avec les peuples du monde.
Mais le défi de présenter une exposition grand public, à la fois divertissante et scrupuleusement exhaustive, reste difficile à relever. La reconstitution du naufrage en images de synthèse, ou de la faille sous-marine grandeur nature, entre autres artifices, ne font qu’alourdir le parcours. Peut-être eut-il été préférable de le prendre à contre-courant. Si l’exposition s’était ouverte sur l’énorme chantier archéologique, elle aurait permis d’insister sur la charge historique et symbolique des pièces présentées dans les vitrines.

LE MYSTÈRE LAPÉROUSE, ENQUÊTE DANS LE PACIFIQUE SUD

Jusqu’au 20 octobre, Musée national de la Marine, Palais de Chaillot, 17, place du Trocadéro, 75016 Paris
tél. 01 53 65 69 53, tlj sauf mardi 10h-18h.
Catalogue éd. de Conti, 400 p., 39,90 euros, ISBN 13 978-2-35103-012-7.

LE MYSTÈRE LAPÉROUSE

- Commissaires de l’exposition :
Alain Conan, président de l’Association Salomon ;
Michel L’Hour, directeur du département des Recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines ;
Marjolaine Mourot conservateur ;
Hélène Tromparent-de-Seynes, conservateur ;
Élisabeth Veyrat, ingénieur d’études au département des Recherches archéologiques sous-marines

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°281 du 9 mai 2008, avec le titre suivant : Lapérouse ou les limbes du Pacifique

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque