L’amour Braque

Rétrospective du peintre à Madrid

Le Journal des Arts

Le 22 février 2002 - 517 mots

Réunissant une soixantaine de toiles, l’exposition consacrée
à Georges Braque par le Musée Thyssen-Bornemisza à Madrid donne l’occasion de reconsidérer la place de ce maître du Cubisme.

Madrid (de notre correspondant) - Quelle place occupe Braque dans l’histoire de l’art moderne ? Éternellement lié à Picasso, il est cependant considéré comme l’un des meilleurs artistes du siècle passé, bien que ce ne soit souvent qu’au titre de sa contribution au Cubisme et par peur de la comparaison avec son compagnon de route. Dans cette relation, le Français avait en réalité tout à perdre, mais Braque conserve la sympathie réservée aux personnages opiniâtres, au travail discret mais déterminé. Anthologique, l’exposition du Musée Thyssen-Bornemisza – la deuxième de cette importance célébrée à Madrid après celle de 1979 réalisée par la Fondation March, et centrée sur sa période post-cubiste – permettra à chacun de juger. Né en 1882, fils d’un amateur d’art moderne, Braque arrête très tôt ses études pour intégrer l’atelier d’un décorateur. Cette formation aura d’importantes conséquences sur l’apprentissage des techniques qu’il utilisera plus tard et auxquelles Picasso vouera un profond désintérêt. Pendant son service militaire, il se détourne de la décoration et décide d’être artiste, ce qui le conduit à un rapide passage de l’Impressionnisme au Fauvisme.
Chronologique, l’accrochage des soixante tableaux se divise en neuf parties, pour traiter de la découverte de Cézanne, de l’invention du Cubisme, des tentatives classiques des années 1920 et 1930, des grands intérieurs, des ateliers et des paysages réalisés à Varangeville, avant la série des oiseaux, plus tardive. Les évolutions dans l’œuvre de Braque sont rapides. Ce dernier est fauve jusqu’à ce que, par l’intermédiaire d’Apollinaire, il ait accès aux Demoiselles d’Avignon. Cette “trahison” provoquera la colère de Matisse. Un an plus tard, membre du jury du Salon d’Automne, ce dernier refuse toutes les œuvres de Braque. Le conflit amène Kahnweiler à improviser la première exposition monographique de Braque. L’événement, commenté par Louis Vauxcelles, est à l’origine du terme “cubisme”.
La dialectique avec Picasso dure ensuite sept années. Elle se concrétise dans des tableaux dont il est parfois difficile de savoir qui est l’auteur de quoi. Mais l’aventure s’achève avec le départ de Braque pour la Première Guerre mondiale, dont il reviendra avec une blessure à la tête. Pendant ce temps, Picasso connaît les honneurs et triomphe en tant que chef de file du Cubisme. À son retour, Braque tente de rejoindre l’avant-garde, sans échapper aux dangers d’un cubisme de salon. Dès lors, et ce tout au long des quarante années à venir, l’art de Braque se développe dans l’ombre de l’Espagnol. Pourtant, l’exposition montre l’enracinement de Braque dans sa propre démarche artistique, basée sur le goût enivrant de la peinture. Attentif à son propre art, il a joint avec beaucoup d’acharnement ses activités à d’autres passions, comme la musique et la poésie. De celle-ci, il pensait qu’elle était “une affaire d’harmonie, de relations et de rythme”, de la même manière que l’était sa propre activité de peintre.

- BRAQUE (1882-1963), jusqu’au 19 mai, Musée Thyssen-Bornemisza, Paseo del Prado 8, Madrid, tél. 34 91 420 39 44, tlj sauf lundi 10h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°143 du 22 février 2002, avec le titre suivant : L’amour Braque

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