L’abstraction avant la naissance de l’abstraction

Par Anouchka Roggeman · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 372 mots

L’abstraction n’est pas apparue de but en blanc avec Kandinsky, Malévitch et Mondrian. C’est la thèse de l’exposition allemande qui place Turner, Hugo et Moreau au centre de l’histoire.

Jusqu’à aujourd’hui, Wassily Kandinsky était considéré comme le premier peintre abstrait. Ses tableaux réalisés vers 1910 marquent l’avènement de la disparition du sujet dans l’histoire de la peinture. Cependant, de nombreuses œuvres abstraites ont été réalisées par des artistes avant Kandinsky.

Comprendre le contexte des premières taches de peinture
L’exposition de la Schirn Kunsthalle de Francfort présente près de deux cents œuvres non figuratives réalisées tout au long du xixe siècle, parfois bien avant, par de nombreux artistes et principalement par William Turner (1775-1851), Victor Hugo (1802-1885) et Gustave Moreau (1826-1898). Bien que réalisés dans des styles très différents, les aquarelles, dessins et peintures de ces trois artistes – 
des œuvres peu connues et parfois jamais exposées – ont ceci en commun qu’ils ne font référence à aucune réalité sensible.
Si l’abstraction au XIXe siècle a déjà fait l’objet de plusieurs expositions (notamment « Les origines de l’abstraction », au musée d’Orsay en 2004), Raphaël Rosenberg, le commissaire de l’exposition ne cherche pas à expliquer le phénomène de l’abstraction au xxe siècle. Il entend expliquer dans quelle tradition se situent ces œuvres abstraites du xixe siècle, dans quel contexte elles sont apparues et pourquoi elles n’ont pas été considérées alors comme des œuvres d’art.
En effet, pourquoi n’a-t-on pas fait naître le mouvement abstrait lorsque l’on a découvert les gouttes de peinture coulées au hasard sur les feuilles de Turner ou encore ses larges peintures brumeuses sans aucun référent réel  ? Pourquoi n’a-t-on pas été plus intrigué par les taches peintes sur les œuvres graphiques de Victor Hugo  ? Et que penser des palettes de couleurs de Gustave Moreau ainsi que de ses peintures à l’huile abstraites qu’il n’a jamais exposées au public, mais qu’il a fait encadrer de son vivant pour son musée posthume  ?
« Depuis toujours, l’homme a été attiré par les taches dues au hasard, ainsi que par l’esthétique de l’effet, deux traditions qui ont conduit à la réalisation d’œuvres abstraites. On n’a pas inventé une nouvelle forme d’art en 1910, on a juste décidé à ce moment-là d’exposer des œuvres abstraites et de les qualifier d’œuvres d’art », explique Raphaël Rosenberg.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : L’abstraction avant la naissance de l’abstraction

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