La vitesse chez les Soviets

En deux cents œuvres, le Futurisme russe révélé à Aoste

Le Journal des Arts

Le 25 janvier 2002 - 497 mots

Loin d’une simple émanation du Futurisme italien, le Futurisme russe
est un épisode marquant
de l’art du XXe siècle. À travers près de 200 œuvres, le Musée d’Aoste rend justice à
ses protagonistes.

Aoste (de notre correspondant) - Le Futurisme naît officiellement en Russie en 1911 avec le groupe de Gileja. Quelque temps auparavant, il avait déjà été anticipé par Khlebnikov avec la création du néologisme plus heureux de budetljane, les “hommes de l’avenir”. À l’image de son grand frère italien, il adopte un ton provocateur, iconoclaste et voué au renouveau. Publié en 1912, le premier Manifeste affirmait sans ambages que “l’Académie et Pouchkine sont plus incompréhensibles que des hiéroglyphes”. Capital dans l’histoire des avant-gardes, ce mouvement, désormais mieux connu – notamment à la suite d’une manifestation consacrée à ce sujet en Russie en 1999 –, fait aujourd’hui l’objet de sa première grande exposition en Italie. Pour ce faire, le Musée archéologique régional d’Aoste s’est associé au Musée russe de Saint-Pétersbourg. La plus grande partie des 200 œuvres exposées en provient : peintures, dessins, encres, lithographies, ainsi que des céramiques, tapisseries, tissus et vaisselles, réalisés à partir du début des années 1920 et rassemblés dans une section consacrée aux arts appliqués.
À côté de tableaux importants et connus, comme Le Cycliste (1913) de Natalia Gontcharova et L’Aviateur de Malevitch, l’exposition présente des œuvres jusque-là inédites en Italie, telles la Nature morte avec jambon (1912) de Natalia Gontcharova ou le Cavalier Foudre de David Bourliouk. Réalisé en 1907, il contient déjà les caractéristiques du Futurisme russe : un dynamisme associé à des éléments naturalistes et mythologiques. “À la différence des futuristes italiens qui se posaient en défenseurs d’un monde nouveau fondé sur la technologie, explique la directrice adjointe du Musée russe, Evgenia Petrova, les futuristes russes considéraient l’homme nouveau comme partie intégrale de la terre et de la nature.” En Italie se développe le mythe du progrès, tandis qu’en Russie, la volonté est forte de concilier ferments novateurs et tradition nationale, comme en témoignent les divers courants issus du Futurisme russe : le Néo-primitivisme de Natalia Gontcharova et Mikhaïl Larionov, les recherches spiritualistes de Pavel Filonov, le Cubo-futurisme de Malevitch et de Lioubov Popova, ou encore le Rayonnisme. La question d’une confrontation entre les deux mouvements se pose évidemment. Si on les a souvent considérés comme jumeaux, “il serait plus opportun, pour Alberto Fiz, co-commissaire de l’exposition, de les considérer comme des frères ayant des aspirations très différentes”. Par le biais du Portrait de Filippo Tommaso Marinetti, réalisé en 1914 par Nicolaj Kul’bin, l’exposition témoigne de cette rencontre entre cultures et personnalités des deux plus grands pôles du Futurisme mondial. Mais s’il est vrai que l’influence de Balla et Boccioni sur la peinture russe de cette période est évidente, la proposition de Mikhaïl Larionov d’accueillir Marinetti “en le bombardant d’œufs pourris” est restée célèbre.

- LE FUTURISME RUSSE, jusqu’au 7 avril, Musée archéologique, 1 Piazza Roncas, 11100 Aoste, tél. 01 65 31 464, tlj. 9h-19h, cat. éditions Mazzota.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°141 du 25 janvier 2002, avec le titre suivant : La vitesse chez les Soviets

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