Art contemporain

La nouvelle clé d’Etel Adnan

Zentrum Paul Klee - Jusqu’au 7 octobre 2018

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 29 août 2018 - 381 mots

BERNE/ SUISSE

Etel Adnan ne cache pas l’influence qu’a eue Paul Klee sur son travail. Le Zentrum Paul Klee, qui en a eu vent, se devait donc d’inviter l’artiste libanaise, née en 1925 à Beyrouth, à présenter son œuvre à Berne.

Celle-ci a bien entendu accepté l’invitation, à la condition de pouvoir exposer aux côtés du maître des lieux. La confrontation des œuvres ne pouvait d’ailleurs qu’être éloquente, tant la filiation est flagrante. Mais elle n’était pas sans risques pour Adnan, peu d’artistes pouvant supporter la comparaison avec l’un des plus grands avant-gardistes du XXe siècle. Le compromis trouvé à Berne fonctionne plutôt bien : il n’est en effet pas question dans le musée construit par Renzo Piano d’un « dialogue » entre les deux artistes, mais bel et bien d’une exposition d’Etel Adnan ponctuée d’œuvres de l’artiste suisse. La première salle du parcours thématique est à ce propos exemplaire : face aux dessins de The War Poems (1988) d’Adnan, les commissaires Sébastien Delot (pour la partie Adnan) et Fabienne Eggelhöfer (pour Klee) ont choisi d’exposer sous vitrine quelques marionnettes réalisées par Klee pour son fils Félix. Si le thème de la mort permet de rapprocher les deux ensembles, le lien est en réalité plus subtil : il est à chercher dans l’histoire personnelle d’Etel Adnan, qui, séduite par une exposition des marionnettes de Klee à Paris, fit dédicacer par Félix son catalogue « À Etel ». À côté, plus d’un siècle sépare le Tapis du souvenir de Klee (1914) de Family Memoirs on the End of the Ottoman Empire (2015), leporelloécrit et dessiné d’Adnan qui fut présenté fermé lors d’une exposition à Istanbul en raison de sa mention du génocide arménien. Cette fois, le parallèle est à chercher dans le pacifisme revendiqué des deux artistes. Les rapprochements formels se jouent en revanche dans les salles suivantes, où la construction en damier, le format réduit des œuvres, le jeu entre l’abstraction et la figuration, le recours aux signes… renvoient de fait, avec un accrochage subtil, les artistes l’un à l’autre. Si l’exposition prenait le risque de placer Etel Adnan en copieuse – certes inspirée – de Klee, elle réussit au contraire à enrichir son travail à la lecture du maître. Une lecture qui ne devrait pas diminuer l’engouement récent né pour l’artiste de 93 ans, au contraire.

« Etel Adnan »,
Zentrum Paul Klee, Monument im Fruchtland 3, Berne (Suisse), www.zpk.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°715 du 1 septembre 2018, avec le titre suivant : La nouvelle clé d’Etel Adnan

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