Photographie

La MEP touchée par la fièvre jeune

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2019 - 710 mots

PARIS

La Maison européenne de la photographie est revitalisée par la programmation de jeunes talents, parmi les plus influents de leur génération. L’exposition consacrée à Ren Hang présente son œuvre pour la première fois depuis son suicide à l’âge de 30 ans.

Paris. La Maison européenne de la photographie (MEP) nouvelle formule séduit. Premier acte de la programmation de Simon Baker, Reng Hang et Coco Capitán donnent un aperçu de ce qui a convaincu le jury de le faire succéder à Jean-Luc Monterosso. Certes mettre en lumière ces deux jeunes prodiges de la photo dont la mode, les faiseurs de tendance et le milieu de l’art se sont rapidement emparés, peut apparaître comme une manière de flirter avec la branchitude du moment, un autre public, voire d’autres partenaires financiers. La date du jour de vernissage a d’ailleurs été choisie en pleine fashion week. Face au contenu des deux expositions, on oublie cet aspect-là. Car la rétrospective Ren Hang (la première du genre organisée depuis le suicide du photographe chinois le 24 février 2017) et les séries de Coco Capitán de ces trois dernières années proposent toutes deux des réflexions sur le corps, le genre et le trouble de l’identité, et foisonnent de créativités originales, sensibles, à la subversion légère et d’écrits plus caustiques.

Cinq ans seulement séparent Ren Hang, né en Chine en 1987, et Coco Capitán née en Espagne en 1992. Parcours, références, contexte de création et moyens financiers alloués à la production de leurs images : tout les séparent, sauf ces questionnements communs à nombre de jeunes de leur génération. La jeune espagnole diplômée du Royal College of Art confie avoir porté très tôt de l’intérêt pour les photographies du jeune Chinois totalement autodidacte et avoir pris contact avec lui. « J’avais 18 ans », précise-t-elle en restant néanmoins discrète sur leur correspondance. Être exposée avec Ren Hang « l’émeut ».

La rétrospective que lui consacre la MEP est effectivement la première exposition organisée depuis la disparition brutale du photographe. Le suicide de Ren Hang a mis un terme à la diffusion, édition et vente de son œuvre, du moins provisoirement ; les archives étant détenues par sa mère, dont l’aval a été nécessaire pour l’organisation de cette exposition. Les 130 tirages exposés ont donc été réalisés du vivant du photographe et proviennent essentiellement de trois prêteurs : de Mimi Chun (fondatrice et directrice de la Blindspot Gallery à Hongkong), de la OstLicht Gallery for Photography à Vienne et de la galerie Stieglitz 19 à Anvers. Les quelque 1 000 photos du diaporama ont quant à elles été récupérées grâce à l’outil web archive.org. L’ensemble offre un panorama inédit sur sa vision et son traitement du corps, du nu et de la sexualité, tandis qu’un film réalisé sur le photographe de son vivant montre la modestie des moyens utilisés et les conditions de prises de vue dans son minuscule appartement de Pékin ou la nuit dans les jardins de la ville. Cette projection recontextualise une création, dont le succès et l’appropriation par le monde de la mode et de l’art peut faire oublier d’où elle vient.

Une liberté et une audace rafraîchissantes

« Pourquoi ne peut-on pas parler de sexe ? On devrait être fier de notre corps », affirme Ren Hang dans ce court documentaire dans lequel il aborde les tabou du nu, de la sexualité en Chine et de la censure dont il fait l’objet. On le voit aussi travailler avec ses modèles (des proches en général) et saluer l’appui financier de l’éditeur Pierre Bessard sans qui The brightest light runs too fast, son premier ouvrage publié en 2013, n’aurait pu voir le jour.

L’accrochage organisé non par série, mais par univers, rend compte de la grande créativité de Ren Hang. L’instinct, l’audace, la liberté des prises de vue renouvellent l’approche du nu, des corps ou des gestes qui s’entremêlent, jouent entre eux ou avec un paon, un iguane ou la végétation luxuriante d’un jardin plongé dans l’obscurité. Une poésie légère teinte cette joyeuse débauche cadrée souvent au plus près. L’absence de légendes voulue par le photographe dès le début renforce l’atemporalité. Dans ses images rien ne transparaît de son combat contre la dépression qui aura raison de lui. Au contraire le désir, l’amour porté à ses proches, notamment à sa mère, irradient.

Love, Ren Hang,
jusqu’au 26 mai 2019, Maison européenne de la photographie, 5/7, rue de Fourcy 75004 Paris, www.mep-fr.org

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°520 du 29 mars 2019, avec le titre suivant : La MEP touchée par la fièvre jeune

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque