La langue du geste

L'ŒIL

Le 1 avril 2004 - 332 mots

Il est difficile de trouver ville au passé aussi chargé que Vienne pour y organiser une nouvelle manifestation sur le corps dans l’art. En effet, de la naissance de la théorie freudienne à l’actionnisme qui y prend forme dans les années 1960, la capitale autrichienne n’est pas étrangère à cette thématique. En prenant pour titre une des formules dont Gilles Deleuze était coutumier – « On sait depuis longtemps que les corps parlent », phrase extraite d’un essai sur l’artiste et écrivain Pierre Klossowski –, l’actuelle exposition de la fondation Generali met en perspective la dimension linguistique du geste dans quelques démarches plastiques. Elle est surtout une occasion de plus de saisir les résonances de l’art corporel dans la création contemporaine.
Des portraits de Francesca Woodman donnent, pour ainsi dire, corps au propos : ses photographies noir et blanc de personnages déguisés et déformés amplifient les effets de métaphore visuelle de la posture physique humaine. Constituée de scènes inquiétantes au charme doucereusement poétique,
l’œuvre de Woodman s’offre comme une écriture du geste.
Une problématique que l’on retrouve dans I am making art, une vidéo de John Baldessari qui associe la création artistique au mouvement physique. Dans Park d’Aernout Mik, virtuose de la création vidéo d’aujourd’hui, les corps sont plus frénétiques encore, emplissant le cadre de l’image pour lui donner toute son aura. Mais un tel panorama aurait été incomplet sans une approche des genres sexuels. C’est ainsi que dans une installation vidéo, Meike Schmidt-Gleim interroge la notion de féminisme en faisant apparaître à l’écran des femmes qui portent des slogans écrits à même leur peau : « Mon ventre m’appartient », « Sisterhood »... Au-delà d’une telle déclinaison littérale de la linguistique corporelle, on se demandera plus généralement si la corporalité, récurrente dans l’art des vingt dernières années, n’a pas transféré son langage à celui des images.

« On sait depuis longtemps que les corps parlent », VIENNE (Autriche), fondation Generali, Wiedner Hauptstrasse 15, tél. 43 (1) 504 98 80, 22 janvier-25 avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°557 du 1 avril 2004, avec le titre suivant : La langue du geste

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