La fine fleur des décorateurs

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 1 juillet 2006 - 449 mots

Caméléon, Galland n’a pas cessé de s’adapter à l’éclectisme du XIXe siècle au travers d’une œuvre multiforme qui se déroba aux courants artistiques, précisément en les abordant presque tous.

Appelé à décorer le Panthéon en 1874 avec La Prédication de saint Denis, Galland eut l’occasion d’être associé à une réalisation artistique majeure du XIXe siècle. Il y montre l’étendue de sa science, comme en témoigne une étude à l’huile issue d’une collection particulière. La distribution des personnages, le jeu chromatique et la pureté des lignes donnent à voir un peintre doué et « classique », tout comme sa série sur le thème du Bain de Diane qui le montre à l’aise dans un autre exercice académique.
Sans avoir obtenu le précieux sésame qu’était le Grand Prix de Rome, Pierre-Victor Galland sut s’adapter à une clientèle séduite par la lascivité des poses, l’harmonie des tons et la rigueur de la composition qui évoquent Bouguereau et Cabanel dont la peinture plébiscitée virait à la formule tout en étant rémunératrice et prospère.
Mais l’originalité de Galland tient certainement plus dans son exploration des motifs végétaux. Les pièces, pour la plupart issues du musée des Arts décoratifs, sont particulièrement éloquentes. Figurant des végétaux subtilement entrelacés sur fond neutre, elles semblent autant des études que des œuvres à part entière. Loin de n’être que de simples variations de botaniste, elles tentent de saisir la force décorative et roborative du motif floral, devenu sujet silencieux et autonome de ces compositions presque abstraites.
Exploitées au sein d’œuvres ambitieuses, telle L’Enfance de Pan (1883-1884), fleurs et guirlandes désignent l’émergence d’un vocabulaire nouveau, articulé autour du végétal, qui présida pour partie à la syntaxe moderne de l’Art nouveau. Conservée à Roubaix, la Joueuse de lyre, qui est une étude pour Les Arts à l’Hôtel de Ville de Paris (1888-1891), constitue un aboutissement. Dans un cercle parfait, Galland dispose une femme diaphane fusionnant avec le nuage sur lequel elle sied, comme pour souligner une osmose indistincte entre humanité et nature. Les volutes presque calligraphiques, empruntant leurs formes élaborées à la flore, et l’élégance linéaire de cette composition savamment maîtrisée semblent anticiper la création de Guimard ou Gallé.
Sans jamais galvauder l’expression d’« arts décoratifs », Galland contribua ainsi à régénérer l’art de son temps, faisant du végétal un élément éminemment moderne.

Autour de l’exposition

Informations pratiques « Pierre-Victor Galland, un Tiepolo français au XIXe siècle » se poursuit jusqu’au 17 septembre au musée d’art et d’industrie La Piscine de Roubaix. Ouvert tous les jours sauf lundi de 11 h à 18 h, vendredi jusque 20 h, samedi et dimanche de 13 h à 18 h. Musée d’art et d’industrie La Piscine, 23, rue de l'Espérance, tél. 03 20 69 23 60.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : La fine fleur des décorateurs

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