La Fiac, cycles de vie d’une foire trentenaire

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 octobre 2005 - 762 mots

Exaltée puis mal aimée, la Fiac a connu grandeur et décadence, au gré de ses déménagements successifs et de l’évolution du marché français.

Né en 1974 sur fond de choc pétrolier, le salon était installé dans l’ancienne gare de la Bastille (ill. 16). L’année suivante, il sera rebaptisé Fiac. Pour la troisième édition, les marchands décrochent le Grand Palais (ill. 20). Ce lieu prestigieux aura tôt fait de séduire les poids lourds américains comme Pierre Matisse ou Leo Castelli. Des participations qui se limiteront souvent à des one shot, car dès les années 1980, alors même que l’argent semble couler à flots, il n’en coule pas assez aux abords de la Seine. Pour garder la main, la foire s’ouvre à la jeune création, lance la formule des pays invités. Rien n’y fait, on lui reproche de s’embourgeoiser, de manquer d’allant. Directrice artistique de la Fiac, Jennifer Flay relève pour sa part que « la crise de 1990 a frappé très durement la France et y a été plus durable qu’ailleurs. Dans le même temps, d’autres foires alternatives attractives comme Gramercy à New York se sont créées ». Le commissaire général du salon, Martin Bethenod, remarque que « tout au long des années 1990, il y a eu des phénomènes concomitants de déplacement des lignes de force du monde de l’art et du marché vers des scènes qui existaient peu, comme Berlin, ou qui étaient sous-évaluées, comme Londres ». Le galeriste Georges-Philippe Vallois relève pour sa part « qu’au début des années 1990, une flopée de galeries sont apparues comme vecteurs d’espoir. Elles ont été acceptées à Bâle, mais pas à la Fiac. Celle-ci s’est refermée sur un marché français alors que Bâle s’est ouvert sur des potentialités d’avenir ».

Un salon sans lustre
Le prestige du salon s’effrite à la fermeture en catastrophe du Grand Palais en 1994. En pleine crise économique, la manifestation migre vers les tentes du quai Branly (ill. 17). Les déménagements malmènent généralement l’image d’une foire. Pour preuve la défaveur qu’a connue la foire de Chicago lorsqu’elle a dû quitter les locaux du Navy Pier. « Exposer sous une tente, dans une structure temporaire, n’a rien à voir avec exposer dans le cadre historique du Grand Palais. Les prestations techniques ont été perçues comme moins bonnes », rappelle Jennifer Flay. En 1999, le salon trouve finalement un domicile fixe à la porte de Versailles (ill. 21). On lui reproche alors d’être excentrée, de manquer de chic et de glamour. Pour marquer le changement de millénaire, Véronique Jaeger, alors directrice, décide de faire des one-man shows une figure imposée. L’initiative répondait aux demandes des collectionneurs en quête de lisibilité. Elle convenait sans doute moins aux impératifs des galeries. Car en misant sur un seul cheval, une galerie risque un flop financier tout en se mettant à dos le reste de son écurie. Le galeriste Michel Durand-Dessert refusera d’ailleurs le diktat, préférant à la Fiac sa modeste concurrente Art Paris. Devant la gronde larvée des exposants, les one-man shows redeviennent facultatifs. « La meilleure idée, si on ne l’affirme pas avec un minimum d’engagement et de durée, perd de sa pertinence », remarque Martin Bethenod.

Un nouveau souffle
Avec le changement de direction opéré l’an dernier, la Fiac s’efforce de quitter la pente savonneuse. Reste encore des problèmes endémiques qui dépassent le cadre de la foire. En premier lieu, le faible appétit ou pouvoir d’achat des acheteurs français. Car si la France n’est pas exempte de collectionneurs, ces derniers s’avèrent plutôt petits ou moyens acheteurs. La plupart des exposants de la Fiac arguent d’un plafond de ventes à 30 000 euros, voire par jour de grand vent, à 50 000 euros. Malgré tout, les clients français existent bel et bien puisqu’ils comptaient dans le peloton de tête des acheteurs sur la foire londonienne de Frieze l’an dernier.
L’arrivée cavalière de cette dernière foire voilà trois ans a d’ailleurs poussé la Fiac à une remise en question et à un petit lifting. « C’est toujours plus difficile de tenir sur la durée, de se renouveler que d’être à la mode et piquante, convient Lorenzo Fiaschi, codirecteur de la galerie italienne Continua. Paris a l’avantage d’attirer encore beaucoup les artistes. » Dans un contexte ultraconcurrentiel, la Fiac comme d’autres salons, cherche un positionnement. Art Basel distance de loin les autres foires. Concentrées sur le contemporain, Frieze, l’Armory Show de New York et Art Basel Miami sont aux coudes à coudes pour briguer la seconde place. Reste la médaille de bronze à laquelle prétendent les foires généralistes comme la Fiac, l’Arco à Madrid ou Art Cologne. Une troisième place mouvante, au gré des coups d’accélérateur ou des phases d’inertie de ces salons.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°573 du 1 octobre 2005, avec le titre suivant : La Fiac, cycles de vie d’une foire trentenaire

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