Juan Ugalde, photo & peinture

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juin 2003 - 380 mots

Photographe, Ugalde l’est pleinement. Comme il est peintre aussi, mêlant ces deux modes d’une façon qui lui est tout à fait personnelle. Né en 1958 à Bilbao, installé à Madrid, il développe un travail que l’on pourrait dire à cheval entre réalisme et surréalisme. À l’affût de tout ce qui fait le quotidien de nos villes et de nos campagnes, Ugalde mène de véritables campagnes de photos, non sur le mode du reportage mais sur celui d’une simple captation d’informations qui vont lui servir par la suite à composer ses œuvres. Rues désertes, villageois retraités, maisons délabrées, paysans endimanchés, Ugalde est particulièrement sensible à tout ce qui fait « l’Espagne d’en bas ».
Il appartient à une génération d’artistes, celle des années 1990, volontiers engagée, qui se mobiblise pour s’opposer à l’analphabétisme et à la marginalisation encore persistantes dans nos sociétés dites évoluées. Si le système plastique pour lequel a opté Juan Ugalde semble mettre le principe même de la photographie en échec du fait du recouvrement partiel de l’image, il n’en est rien en réalité. C’est même tout le contraire qui advient : la façon qu’a l’artiste de brouiller le cliché par la peinture en excède curieusement le sens. Il faut dire que tout y est pensé de sorte à mettre en exergue ce qui spécifie le contenu de l’image. Sinon son contenu, du moins son atmosphère. D’autant qu’Ugalde ne se prive pas le cas échéant d’agrémenter son travail d’un élément de collage qui vient le ponctuer, qui le parasite parfois et le fait alors basculer d’un monde dans l’autre. C’est que l’art de Juan Ugalde est fort d’une dimension tour à tour tendre, humoristique ou ironique ; il y a chez lui quelque chose d’une générosité qui procède notamment de la collusion de la photographie et de la peinture. Jamais l’une ne prend le pas sur l’autre et c’est en toute intelligence qu’elles coexistent pour donner corps à un objet singulier, composite mais parfaitement maîtrisé. Entre révélation et recouvrement, entre une image figée qui sourd d’une mémoire et un jeu de traces vives qui structurent l’espace en surface, l’art de l’Espagnol inaugure une nouvelle poétique de l’image.

« Samadhi », PARIS, galerie Nathalie Pariente, 14-16 rue de Thorigny, IIIe, tél. 01 40 27 08 82, 15 mai-28 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°548 du 1 juin 2003, avec le titre suivant : Juan Ugalde, photo & peinture

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