Art ancien

Paris-16e

Jizo l’éveillé et ses féroces gardiens

Musée Guimet - Jusqu’au 18 mars 2019

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 21 février 2019 - 376 mots

PARIS

Un regard terrifiant sous des sourcils violemment froncés, un torse dénudé, des muscles bandés dont les veines se dessinent avec réalisme : l’un, Agyo, a la bouche ouverte, un corps entier prêt à hurler, bondir, frapper, déchiqueter de ses dents ; l’autre, Ungyo, la bouche fermée.

Ensemble, ils sont comme la respiration accompagnant le symbole A-Um, correspondant à l’ouverture et à la fermeture de la bouche. Ces deux gardiens semblent nous prévenir : « Tu ne passeras pas », comme aux portes du temple qu’ils ont la charge de protéger. Ils sont ceux du temple de Kofuku-ji de Nara, capitale du Japon au VIIIe siècle et terminus oriental de la route de la soie. C’est la première fois qu’ils quittent leur pays d’origine, pour clore la saison de la culture nippone à Paris, « Japonisme 2018 », dans la majestueuse rotonde de la bibliothèque d’Émile Guimet, au sein du musée éponyme. Entre ces deux chefs-d’œuvre de la statuaire japonaise, sculptés au XIIIe siècle et classés « trésor national », se tient une effigie bouddhique en bois du Bodhisattva Jizo remontant au IXe siècle. D’une plastique fluide, hiératique, les yeux mi-clos, avec un visage dont émane la compassion et la paix, cet être éveillé tient d’une main levée le joyau bouddhique, de l’autre un bâton de pèlerin, le shakujo. Créées à quatre siècles d’écart, ces trois statues sacrées témoignent par leurs contrastes de l’évolution de la statuaire japonaise entre la fin du premier millénaire et le XIIIe siècle. Taillée d’un seul bloc à l’époque de l’expansion de la statuaire bouddhique en bois, la figure du Bodhisattva représenté le crâne rasé, portant une coiffe en forme de soleil et vêtu à la manière d’un moine, dégage une impression de volume, d’élégance et d’harmonie. Au contraire, les statues gardiennes du monde bouddhique frappent par leur réalisme et leur expressivité ; elles furent probablement réalisées dans l’atelier d’Unkei, à Nara, qui développa cette esthétique nouvelle vers 1200. Composées d’un assemblage de plusieurs éléments en cyprès japonais, elles dégagent par la torsion du bassin et le mouvement symétrique des vêtements une puissante impression d’élan, et s’appuient sur une observation attentive du corps humain. Ensemble, ces trois chefs-d’œuvre reflètent la spiritualité du bouddhisme tout en mettant en relief les qualités exceptionnelles de la statuaire bouddhique du Japon médiéval.

« Nara, trois trésors du bouddhisme japonais »,
Musée national des arts asiatiques-Guimet, 6, place d’Iéna, Paris-16e, www.guimet.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°721 du 1 mars 2019, avec le titre suivant : Jizo l’éveillé et ses féroces gardiens

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