Art moderne

Jean Puy et compagnie

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2008 - 692 mots

Consacré aux artistes liés à la région Rhône-Alpes, le Musée Paul-Dini rend hommage au peintre roannais Jean Puy et à l’esprit de camaraderie qui régnait dans son cercle d’artistes fauves

VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE - Au fond, Jean Puy aurait aimé être marin. Lorsque le peintre correspond avec son complice Paul Signac, leurs échanges n’abordent pas théories picturales, maniement de pinceaux ou mélange de pigments. Les artistes discutent gréements, cordages et voiles. Considéré comme un « fauve discret », Jean Puy (1879-1960) n’en a pas moins laissé un œuvre qui, s’il n’a pas bénéficié des éclairs de génie de son ami Henri Matisse, est digne de l’attention que lui porte aujourd’hui le Musée municipal Paul-Dini à Villefranche-sur-Saône (Loire).
Concentrée sur les trois premières décennies du XXe siècle, l’exposition fait revivre l’amitié artistique qu’a partagée Jean Puy avec Matisse, Albert Marquet, Henri Manguin et Charles Camoin. Dans un esprit de franche camaraderie, ces artistes, qui s’étaient croisés sur les bancs de l’école, ont emprunté, chacun à leur manière, la voie de la couleur pure.
Cette approche panoramique bénéficie d’un parcours thématique instructif, au long duquel se succèdent autoportraits, nus et marines. Et la personnalité de Jean Puy se détache clairement de cet accrochage choral. Signe particulier, les portraits dans lesquels il se met en scène témoignent d’une volonté de construire une composition équilibrée, éloignée de toute étude psychologique. Le modèle féminin occupe une place importante, que le peintre s’essaie à la touche divisionniste (Nu dans l’atelier, 1900) ou qu’il malmène la matière picturale jusqu’à l’abstraction. Les draps qui recouvrent la Femme endormie (1904) sont ainsi plaqués et étirés sur la toile avec une brutalité qui n’est pas sans évoquer certains travaux expressionnistes. Pour Sylvie Carlier, commissaire et conservatrice du musée, la période 1902-1906 correspond à des années de recherche et d’audace sans équivalent dans la carrière de Jean Puy. Selon les œuvres, la couche picturale est opaque (La Gitane, 1903) ou transparente (Jeune femme de profil, 1904) ; les couleurs se conjuguent tout en subtilité (Le Jetée, 1902) ou vibrent avec intensité (Le Port de Sauzon, 1902).
Puy n’a pourtant jamais compris les expérimentations de Picasso, il a persévéré dans une peinture décorative, ni choquante, ni dérangeante, qui a perdu de son intérêt après les années 1930. Cette période correspond à son retour à Roanne (Loire), loin des amis, des cercles artistiques et du marché de l’art.
S’il est vrai qu’Ambroise Vollard, qui avait racheté le fonds d’atelier de l’artiste après le Salon d’automne de 1905, n’a pas activement rempli sa mission de promoteur, Jean Puy n’a jamais eu à cœur de se vendre. Or, comme en témoignent les nombreuses expositions qui lui ont été consacrées ces dernières années, il est loin d’être une figure oubliée de l’histoire de l’art. L’association des Amis de Jean Puy, qui compte parmi ses membres les descendants de l’artiste, fournit un travail soutenu et a récemment publié un catalogue raisonné en deux volumes. L’ancien entrepreneur lyonnais Paul Dini, mécène du Musée municipal de Villefranche-sur-Saône, en est un fervent admirateur. C’est dans sa collection personnelle que l’on trouve le plus bel exemple de la saine émulation qui régnait entre ces jeunes peintres rassemblés, par commodité, sous la bannière du fauvisme. La Petite Faunesse dormant (v. 1906) figure, derrière le modèle endormi, un miroir reflétant Puy et Manguin tous deux à leurs chevalets. En authentique amoureux de l’océan, Jean Puy a préféré la Bretagne à la Méditerranée. Flânerie sous les pins (1905), présentée au Salon d’automne, et Ébats de baigneurs (1906) décrivent la côte bretonne, sous l’œil attentif d’un marin, reconnaissable à son uniforme bleu et son béret à pompon rouge. Dans une posture habituellement réservée aux odalisques, il est négligemment allongé sur le côté, accoudé, la tête reposant dans le creux de la main. Difficile de ne pas reconnaître le peintre sous cet avatar, scrutateur détaché au sein de scènes dans la pure tradition classique.

JEAN PUY - Commissariat : Sylvie Carlier, conservatrice du musée, assistée de Marion Chatillon-Limouzi, historienne de l’art et petite-nièce de l’artiste - Nombre d’œuvres : plus d’une centaine, dont les deux tiers proviennent de collections privées, réparties dans 12 salles - Budget : 100 000 euros

JEAN PUY. UNE AMITIÉ ARTISTIQUE, 1900-1930. MATISSE, MARQUET, MANGUIN ET CAMOIN, jusqu’au 10 février, Musée municipal Paul-Dini, 2, place Faubert, 69400 Villefranche-sur-Saône, tél. 04 74 68 33 70, tlj sauf lundi et mardi 10h-12h30 et 13h30-18h00, 14h30-18h les samedi et dimanche. Catalogue, 180 p., 110 ill. couleur, 28 euros, ISBN 9-782905-048134.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Jean Puy et compagnie

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