Jan Vercruysse par lui-même

L'ŒIL

Le 1 mars 1999 - 370 mots

Jan Vercruysse n’est pas un artiste ordinaire. Comme tant d’autres artistes belges (James Ensor, René Magritte et Marcel Broodthaers), Jan Vercruysse cultive la discrétion. Ce trait acquiert ici la valeur d’une inclination, inclination pour regarder les choses avec un certain détachement, disposition pour jouer avec les signes, surtout lorsque ceux-ci réaffirment combien la vie et l’identité de chacun est arbitraire. Les autoportraits qu’il présente ne constituent donc qu’une petite partie d’une œuvre protéiforme encore peu connue en France. Ce sont de simple photographies, ou plus exactement des impressions en similigravure issues de photographies réalisées entre 1979 et 1984. La nuance est ténue mais elle permet justement de qualifier le projet puisque Jan Vercruysse refuse de se situer dans une histoire de la photographie. Ce qui l’intéresse, c’est la tradition du portrait. Les titres des séries en attestent : Zonder Titel (Zelfportretten), Zelfportret, Autoportrait, Portraits de l’artiste, Selfportrait, Portrait of the Artist by himself. Les œuvres s’alignent en bon ordre sur le mur. La présentation est classique, sage diront certains. Elle permet justement de révéler toute l’ironie de ces représentations. Dans nombre d’entres elles, Vercruysse explore son monde intérieur. Il voyage alors de l’espace aux choses, des choses à l’horizon des choses. Les objets (livres, tentures, jeu d’échecs) et les êtres (des nus féminins) s’organisent comme un univers clos sur lui même. Plus loin, le rire nous gagne face à ces autoportraits où il apparaît dans une dignité souvent empreinte d’un certain hiératisme. Toutes les nuances réalistes et idéalisantes, les gestes et les positions adoptés par l’artiste affirment une identité, celle d’un homme dans sa propre solitude. Soudain, notre rire se fait grave et désespéré. Le parcours devient alors une lente prise de conscience, à la fois lucide et drôle, de notre propre aliénation. Jan Vercruysse n’est que le double négatif de nous-mêmes. Les oeuvres ne sont que des miroirs de ce nœud de relations conflictuelles que nous entretenons avec le visible et l’espace du dedans. La librairie du musée expose un versant plus joyeux de l’œuvre de cet artiste avec les publications précieuses que Vercruysse réalisa avec l’éditeur Yves Gevaert.

BRUXELLES, Palais des Beaux-Arts, jusqu’au 2 mai. À lire : Pier-Luigi Tazzi, Jan Vercruysse, 192 p., 126 ill., 1500 FB.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°504 du 1 mars 1999, avec le titre suivant : Jan Vercruysse par lui-même

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