Art déco

Jacques Gruber le touche-à-tout

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2011 - 719 mots

Le Musée de l’école de Nancy se penche sur la période nancéienne et Art nouveau de Jacques Gruber. Une exposition présentée aux Galeries Poirel.

NANCY - Parce qu’il est issu d’une génération qui a succédé à celle des trois grands noms de l’École de Nancy (Louis Majorelle, Émile Gallé et la maison Daum), Jacques Gruber (1870-1936) est un acteur discret de l’Art nouveau. Artiste touche-à-tout, particulièrement habile dans l’art de la composition, Gruber a forgé sa réputation de maître es vitraux à Paris, après la Première Guerre mondiale – on lui doit notamment la réalisation de la coupole des Galeries Lafayette, à Paris. L’artiste d’origine alsacienne avait d’abord largement exploité le filon de l’Art nouveau à Nancy, avant d’abandonner ce style « nouille » dont le public s’était lassé. Sa signature fait ainsi partie intégrante du paysage urbain nancéien, où a subsisté une part non négligeable de vitraux commandés par des particuliers et des banques, entre autres institutions. L’étude transversale actuellement présentée aux Galeries Poirel, à Nancy (Moselle), met en avant l’éclectisme de son travail au cours des vingt années qui ont précédé son établissement définitif à Paris en 1914.

En 1893, lorsque le jeune Gruber rejoint la manufacture Daum en tant qu’artiste-décorateur fournissant des modèles aux artisans verriers, il a dans ses bagages plusieurs années d’études parisiennes, passées entre l’École des beaux-arts (auprès de Gustave Moreau et de Pierre Victor Galland) et l’École des arts décoratifs.

Exposition pluridisciplinaire
S’il s’adonne très vite à l’art du vitrail, revenu au premier plan avec l’architecture Art nouveau, Gruber lorgne vers les autres arts décoratifs. Ses collaborations fréquentes avec certains maîtres de l’Art nouveau (notamment Majorelle) aiguisent sans doute sa curiosité pour les autres médiums. Le parcours des Galeries Poirel en comprend différents exemples : mobilier, objets de la vie quotidienne (plateaux, miroirs), reliures, illustrations en tous genres, ou encore série de pièces en grès pour la fabrique de céramique de Rambervillers. Conservatrice en chef au Musée de l’école de Nancy, la commissaire Valérie Thomas a tenu à la pluridisciplinarité de cette exposition, non seulement pour présenter l’éventail des talents de Gruber, mais aussi pour permettre au visiteur d’observer la manière dont il recycle ses motifs. Un enchevêtrement de pavots marquetés orne le bas des portes d’une bibliothèque en noyer (v. 1903), et se retrouvent dans le pan central du vitrail de la véranda de la Salle (v. 1904, celle-ci ayant été démantelée et en partie acquise par le musée en 1972). Un jeune page figurant en haut d’un menu de la Brasserie viennoise (1908) portait un plateau treize ans plus tôt dans une illustration pour une brasserie à Savigny-sur-Orge (Essonne).

Rappelons que Gruber, après Victor Prouvé, fut parmi les rares créateurs à introduire la figure humaine dans la grammaire de l’Art nouveau, végétale par essence. Mais outre les fleurs tombantes (glycines, clématites), caractéristiques du style Gruber, le paysage des forêts et de lacs vosgiens revient de manière récurrente. À l’heure où l’Alsace et la Lorraine étaient devenues allemandes, un tel décor prenait une dimension politique que l’on a tôt fait d’oublier en ce début de XXIe siècle.

Œuvres à découvir aussi « in situ »
De cet homme discret, l’on sait finalement peu de chose. Les documents d’archives et les correspondances sont rares, pour ne pas dire inexistants – seules deux photographies de l’artiste sont parvenues jusqu’à nous. Reste une œuvre à découvrir à Nancy. Pour les visiteurs désireux d’en savoir plus, plusieurs possibilités s’offrent à eux : le Musée de l’école de Nancy propose un parcours de ses collections permanentes mettant en valeur les œuvres de Gruber ; des visites guidées sur réservation sont organisées à la Villa Majorelle, à la chambre de commerce et d’industrie de Meurthe-et-Moselle et à la villa Bergeret ; enfin un fascicule (téléchargeable en pdf et en version adaptée à la consultation sur iPhone) est mis à disposition pour une promenade en ville à la découverte d’œuvres in situ.

JACQUES GRUBER ET L’ART NOUVEAU

Commissariat : Valérie Thomas, conservatrice en chef, Musée de l’école de Nancy ; François Parmantier, attaché de conservation, Musée de l’école de Nancy ; Jérôme Perrin, assistant qualifié de conservation

Jusqu’au 22 janvier 2012, Galeries Poirel, 3, rue Victor-Poirel, 54 000 Nancy, tél. 03 83 21 13 42, tlj sauf mardi 10h-18h. Catalogue, coed. Ville de Nancy/Gallimard, 240 p., 35 €, ISBN 978-2-07-013494-6.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°359 du 16 décembre 2011, avec le titre suivant : Jacques Gruber le touche-à-tout

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