Isabelle Monod-Fontaine, Angela Lampe : « Il n’était en aucun cas question d’enfiler les salles »

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 26 juillet 2007 - 919 mots

Après ses deux derniers accrochages thématiques, le MNAM revient à une muséographie chronologique plus classique sans pour autant se contenter d’aligner les œuvres. Au contraire...

Rencontre avec deux des commissaires du nouvel accrochage, Isabelle Monod-Fontaine, directrice adjointe du Musée national d’art moderne, et Angela Lampe, conservatrice des collections historiques.

Après deux années d’accrochages thématiques couronnés de succès, tant public que critique, voyez-vous le nouvel accrochage comme un retour en arrière ?
Isabelle Monod-Fontaine : Il ne s’agit pas d’un retour. Il fallait répondre à un besoin, une envie, celle de l’équipe du Musée national d’art moderne mais aussi celle du public.
Ces deux accrochages thématiques successifs qui ont été, en effet, très brillants, ont chacun attiré un public nombreux pour lui montrer des facettes nouvelles de la collection. Mais ils ne suffisaient pas à rendre compte de notre mission de fond. Nous voulions montrer la collection du Musée national d’art moderne telle qu’elle est, avec ses richesses et ses lacunes, d’une manière chronologique.
À l’intérieur de ce cadre, nous avions envie de donner à voir l’art moderne, les maîtres de cette période, les enrichissements de la collection. On a cherché à ne pas se répéter en rethématisant cette présentation.

Qualifieriez-vous cet accrochage de classique, et même de conventionnel, en raison de son fil chronologique ?
Angela Lampe : Ce soi-disant classicisme est un peu trompeur. Des thèmes se sont notamment structurés autour de la notion d’atelier. À l’origine du projet, nous voulions réfléchir sur les points de convergence, sur des personnalités comme Michel Tapié, des écoles comme le Bauhaus ou des revues comme Der Sturm, des points de rencontre pour les artistes.
Ce classicisme est un leurre dans la mesure où l’accrochage n’aligne pas simplement les chefs-d’œuvre mais propose une réflexion sous-jacente à cette ligne historique.

Comment est née l’idée de consacrer une telle place aux revues d’art exposées dans les « entre-salles » dessinées par l’aménagement intérieur de Gaulenti ?
I. M.-F. : Une fois encore, c’est la notion d’atelier qui prime dans ce choix. Il s’agit de l’atelier d’un artiste mais aussi d’atelier au sens du laboratoire, de lieu de rencontres, de certaines galeries aussi. À partir de là, on a eu envie de construire un parcours transversal. Il s’agit d’une autre traversée à travers les collections qui se sont enrichies récemment avec l’arrivée de centaines de numéros du fonds Destribats. Nous avons pris un parti très systématique pour ces espaces entre les salles qui sont habituellement dévolus aux œuvres sur papier, aux dessins, documents et revues. Et puis, cela nous semblait important de montrer la typographie et le graphisme comme un art à part entière.
A. L. : La richesse du fonds permettait aussi une telle mise en valeur. Nous possédons tous les numéros de la revue hongroise MA par exemple. Et si c’est un parcours indépendant, la présentation des revues se fait tout de même en contrepoint des salles.

Vous parliez de l’arrivée du fonds Destribats qui a été acquis comme trésor national avec l’aide du groupe Lagardère. Il y a beaucoup d’ensembles liés à des dations, des donations, des legs, des dépôts prestigieux. S’agit-il d’un accrochage politique ? Un remerciement et, en même temps, une manière de susciter des vocations ?
I. M.-F. : Exposer la collection, c’est forcément montrer, comme dans tous les domaines, comment elle s’est enrichie. Nous fêtons les trente ans du Centre cette année. L’accrochage revient sur ces enrichissements et rend grâce à ces personnes qui nous ont aidés.
Dès ses origines en 1947, le Musée s’est constitué comme cela, avec une particularité, les grandes donations d’artistes : Man Ray et Brassaï, le fonds Kandinsky par exemple. Ces dons d’ateliers nous permettent de montrer ces monographies complètes. On peut même se donner le plaisir de faire une salle Fernand Léger dédiée aux seules années 1920 et 1930, alors qu’on a des œuvres majeures datant de la décennie précédente. L’accrochage actuel dessine une mosaïque très déterminée, il n’était, en aucun cas, question d’enfiler les salles.
A. L. : De nombreuses salles sont d’ailleurs conçues comme des expositions dossier…

C’est le cas pour une salle comme celle consacrée à l’Exposition universelle de 1937…
A. L. : Absolument. Cela implique que l’on montre des œuvres plus rares. Ce ne sont pas toutes des chefs-d’œuvre mais elles constituent des pièces très intéressantes dans un contexte particulier comme celui de l’Exposition universelle de 1937.

L’accrochage est très dense mais les salles ont des tailles plutôt raisonnables. Avez-vous modifié l’architecture intérieure du cinquième étage ?
I. M.-F. : Non, c’est la même architecture mais il est vrai qu’on a joué l’accumulation dans certaines salles plus petites. On a cherché différents rythmes dans l’accrochage. Du vide relatif de la salle Chareau par exemple jusqu’à la salle Rouault, on a pris le parti volontaire de l’accumulation. On avait envie de ménager des surprises pour le visiteur, pour qu’il n’y ait pas d’uniformité de parcours.
C’est ce que j’avais trouvé très ennuyeux dans l’accrochage de réouverture du MoMA à New York par exemple. C’était trop régulier. On a le devoir d’intéresser le visiteur. Lorsqu’on joue avec une collection permanente, il ne faut pas s’interdire les modulations.

Repères

58”‰000 œuvres d’art moderne et contemporain sont conservées aujourd’hui par le Centre. 1”‰300 œuvres sont actuellement présentées au 5e étage du Centre Pompidou. 260 peintures, sculptures et autres objets composent le « mur » de l’atelier d’André Breton, entré dans les collections du musée par dation en 2003. Plus de 1”‰000 dessins, gravures, toiles et écrits de Wassily Kandinsky ont enrichi les collections d’art moderne, à la suite du legs exceptionnel de sa veuve en 1981. 114 pièces constituent le fonds Delaunay qui a intégré le Musée national d’art moderne en 1964.

Informations pratiques Nouvel accrochage des collections historiques, Centre Pompidou, Place Georges Pompidou, Paris IIIe. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 11 h à 21 h, le mercredi jusqu’à 23 h. Tarifs”‰: 10 € et 8 €, tél. 01”‰44”‰78”‰12”‰33, www.centrepompidou.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Isabelle Monod-Fontaine, Angela Lampe : « Il n’était en aucun cas question d’enfiler les salles »

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