Henry de Triqueti : princes et rois en baronnie

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 338 mots

1874. Alors que Nadar ouvre ses portes du 35, boulevard des Capucines à la première exposition impressionniste, Henryde Triqueti décède à l’âge de soixante et onze ans. 1874. L’année qui voit naître une modernité indélébile éteindrait-elle également les derniers feux du classicisme ? Le millésime qui, après une trop longue récolte, se prévaudrait enfin de nouvelles vendanges ? Les expositions d’Orléans et de Montargis, en explorant conjointement la création de Triqueti, réhabilitent aussi bien une œuvre sculptée majeure que la superposition des histoires en art pour le plus grand bien de l’histoire de l’art...
Triqueti mit rapidement une particule et une majuscule à ses affinités électives. Après une initiation à la peinture par Girodet puis Hersent et un envoi remarqué au Salon de 1831, le jeune baron est sollicité par James de Rothschild et par Ferdinand d’Orléans pour réaliser des vases qui dénotent une remarquable science de la composition et une recherche d’un éternel féminin incarné par Laure, Béatrice ou Cléopâtre. La décoration de la porte principale de l’église de la Madeleine à Paris, faisant écho à l’illustre antécédent de Ghiberti, atteste quant à elle un sens profond de la religion et un syncrétisme romantique qui, présidé par les passions, permet de dynamiser les surfaces sans perdre en lisibilité.
Par un jeu de ricochets dynastiques, Triqueti se voit sollicité pour décorer la prestigieuse chapelle du château de Windsor en hommage au prince Albert récemment disparu. Expérimentant ses fameux « tarsias », une savante marqueterie de marbres, Triqueti s’empare d’allégories bibliques éloquentes pour glorifier le défunt, déployant une audace chromatique et compositionnelle. Les panneaux les plus aboutis, riches en innovations décisives quoique classiques, excèdent la stricte linéarité d’une « modernité » clivée et souvent imperméable à un prétendu académisme. Noble, Triqueti le fut sans aucun doute. Mais pas seulement par atavisme...

« Henry de Triqueti (1803-1874), le sculpteur des princes », musée des Beaux-Arts, place Sainte-Croix, Orléans (45), tél. 02 38 79 21 55, jusqu’au 6 janvier 2008.Musée Girodet, 2, rue de la Chaussée, Montargis (45), tél. 02 38 98 07 81, jusqu’au 6 janvier 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Henry de Triqueti : princes et rois en baronnie

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