Heidi Bucher : quitter le cocon

Heidi Bucher fait partie de celles-ci et c’est une belle redécouverte qu’offre cet été le Kunstmuseum de Berne, en collaboration avec la Haus der Kunst de Zurich et le Muzeum Susch des Grisons. Dans le travail de cette artiste suisse, née en 1926 et décédée en 1993, qui a commencé son travail artistique aux États-Unis sur la côte ouest après une formation de créatrice de mode à Zurich, se lit un double ancrage : le goût de l’art de la performance découvert sur le sol américain et la passion du matériau textile. Bucher a créé des œuvres étranges, parfois à la limite du gênant, sans jamais tomber dans le morbide, questionnant avec force la mémoire des lieux et des corps. En pratiquant ce qu’elle appelait l’écorchement des lieux, elle garda sur des énormes bandes de gaze recouvertes de latex des empreintes des pièces d’habitation de sa famille, dont le résultat est étonnant : parquets, encadrements de fenêtres ou lambris de bois, tous les détails sont consignés dans ce qu’elle désignait comme des « secondes peaux ». Son obsession de la métamorphose et de la mue qu’elle appliquait aux lieux, elle en joua également avec les corps et des enveloppes, coquilles ou cocons, qu’ils soient vêtements ou costumes. Sous-tendu par un discours politique de libération du corps féminin, l’œuvre n’en a pas moins une portée plus large, de nature poétique, dans laquelle le spectateur peut s’immerger, notamment grâce à des vidéos mettant en scène les performances d’Heidi Bucher.