Art moderne

XXE SIÈCLE

Guernica sans Guernica ? Pari réussi

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 26 avril 2018 - 547 mots

PARIS

Le Musée Picasso compense l’absence du célèbre tableau par une exposition didactique et exhaustive à l’occasion du 81e anniversaire de l’œuvre.

Paris. Comment organiser une exposition sur le Guernica de Picasso en l’absence du tableau ? La toile de très grande dimension ne quitte en effet plus le Musée Reina Sofia à Madrid qui l’abrite depuis 1993, malgré les demandes des nationalistes basques. Émilie Bouvard, la commissaire, conservatrice au Musée Picasso, s’en sort honorablement, aidée il est vrai, par la spécificité du tableau. Guernica, n’est pas un tableau comme les autres. Son sujet – le bombardement massif de la ville basque par les avions nazis le 26 avril 1937 –, son histoire propre et sa symbolique universelle en font une œuvre à multiples entrées, qui sont autant de développements possibles pour l’exposition. On dispose par ailleurs d’un matériau abondant sur cette œuvre inscrite dans l’histoire récente. Le contexte de sa création, ses sources d’influence et les multiples événements qui ont animé son parcours ont produit une riche documentation qui donne du corps à la présentation. Le Musée Picasso lui-même conserve une bonne partie de ces archives qui constitue plus de la moitié des 214 numéros accrochés sur les murs. En outre, après avoir laissé le Musée Reina Sofia organiser sa propre exposition l’an dernier à l’occasion des 80 ans du tableau, il a pu compter sur les études préparatoires réalisées par Picasso et conservées par le musée madrilène.

Le Musée Picasso n’a pas lésiné sur les moyens, ce n’est pas une exposition-dossier qui aurait été inappropriée pour une telle œuvre : il consacre pas moins de douze salles pour illustrer le propos. De propos, au sens d’un discours qui soutiendrait une thèse particulière, il n’y en a pas vraiment. Mais y a-t-il matière à une thèse inédite ou pas ? L’exposition se veut avant tout pédagogique. Elle décrit minutieusement l’iconographie du tableau et en particulier en quoi elle se rattache à l’œuvre de Picasso (le taureau). Elle explique clairement comment Picasso a modifié la commande initiale pour se recentrer sur le bombardement, son engagement politique ; elle raconte l’Exposition universelle et le retour du tableau en Espagne en 1981. À cet égard, le catalogue revient sur un épisode moins connu : le rôle de l’ex-ministre Roland Dumas, alors avocat du peintre dans les dispositions prises par Picasso pour son tableau.

En définitive, outre les raisons expliquées ci-dessus, l’exposition se tient sans le tableau original, car il est reproduit dans tous les formats possibles. Notamment grâce aux relevés photographiques des différents états de l’œuvre en train de se faire, réalisés par Dora Maar qui disposait d’un accès particulier à l’atelier en tant que muse et amante de l’Espagnol. Entre les études préparatoires, les sources, les photos de Dora Maar et les éléments de contexte, le visiteur entre véritablement dans l’acte créatif du peintre et en ressort plus éclairé. Le parcours sacrifie à cet exercice devenu obligatoire dès lors que l’on montre de l’art ancien ou moderne, qui consiste à montrer de l’art contemporain en « contrepoint ». Ici, on reconnaît que l’adaptation au fusain de 2014 par Robert Longo ou le bois gravé de Damien Deroubaix de 2016 enrichissent l’expérience du visiteur par leur qualité graphique.

Guernica,
jusqu’au 29 juillet 2018, Musée Picasso Paris, 5, rue de Thorigny, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : Guernica sans Guernica ? Pari réussi

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