Architecture

Georges-Henri Pingusson, une modernité à part

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 4 mai 2018 - 559 mots

PARIS

Figure incontournable du mouvement moderniste pourtant méconnue du grand public, l’architecte se distingue par son engagement artistique et son approche de l’espace.

G.-H. Pingusson, Hôtel Latitude 43, Saint-Tropez, perspective des façades Sud et Est, 1930-1932.
G.-H. Pingusson, Hôtel Latitude 43, Saint-Tropez, perspective des façades Sud et Est, 1930-1932.

Paris. En regard de l’exposition à succès « Alvar Aalto, Architecte et designer » (jusqu’au 1er juillet), présentation itinérante dont nous avions rendu compte l’an passé lors de son escale au Musée d’art Ateneum d’Helsinki et aujourd’hui installée en cette même Cité de l’architecture, à Paris, l’exposition « Georges-Henri Pingusson, une voix singulière du mouvement moderne », déployée jusqu’au 2 juillet, pourrait, certes, paraître secondaire. Il n’en est rien. Singulier, Georges-Henri Pingusson (1894-1978) l’était assurément, ayant produit notamment deux édifices importants du XXe siècle : l’un à Paris, le Mémorial des martyrs de la déportation, l’autre à Saint-Tropez, l’hôtel Latitude 43, reflets de son approche sensible de l’espace et métaphores navales, chacun à leur manière. Tous deux sont décortiqués dans cette rétrospective qui réunit quantités de documents graphiques et de maquettes, plus quelques pièces de mobilier. Le parcours déroule une carrière de plus d’un demi-siècle : depuis une phase mi-régionaliste mi-Art déco – distillée autant sur la Côte d’Azur que sur la Côte Basque, telle la Villa Bagheera, à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) – dans les années 1920, jusqu’à son inclination envers le modernisme (il dessine, avec Frantz-Philippe Jourdain et André Louis, le pavillon de l’Union des artistes modernes pour l’Exposition internationale de 1937) en passant, après-guerre, par un prototype de « maison usinée » dite Système Pingusson (ce dernier ne cache pas son admiration pour son ami Jean Prouvé).

Un projet signe son entrée sur la scène parisienne (au sens propre) et sur la scène moderne internationale (au sens figuré) : le théâtre des Menus-Plaisirs, à Paris, qu’il réalise, en 1930, de pied en cap (façade, décoration intérieure et mobilier), toujours en place au 42, rue Pierre-Fontaine fait les délices de la revue L’Architecture d’aujourd’hui, qui vient alors de se créer. L’année suivante, Pingusson reçoit la commande d’un hôtel de 120 chambres, le Latitude 43, aujourd’hui résidence privée, construite sur une colline à l’entrée de Saint-Tropez, dont on peut voir, ici, de splendides perspectives au crayon. Même s’il emprunte (sans doute) à André Lurçat la notion d’escalier saillant, l’architecte concentre en un seul et même bâtiment, bien avant Le Corbusier et sa Cité radieuse, des paradigmes modernistes tels le monastère ou le sanatorium. Adepte du style « paquebot » (moult esquisses sont truffées de mâts), il met au point deux dispositifs qui subliment forme et fonction : un système de demi-niveaux et des coursives en porte-à-faux, son thème fétiche. L’édifice fait office d’œuvre d’art totale, car l’architecte imagine, en outre, le mobilier, la vaisselle ou le linge. Le visiteur peut en admirer quelques exemplaires dans une section « Objets », laquelle exhibe aussi un original Fauteuil équilibré ou un séduisant projet d’automobile en tôle pliée.

Si Pingusson ne prend pas part à la construction des grands ensembles, il décline, en revanche, à la fin des années 1950, une étonnante série d’églises (l’homme est un catholique fervent), en particulier en Lorraine, à l’instar de celle de Boust, inspirée d’un principe conçu en 1938, à Arcueil : une église circulaire avec autel au centre, dont une maquette détaille, ici, l’intérieur. Le bâtiment est extrêmement simple, quasiment pauvre, mais doté d’un travail éblouissant sur la lumière… Un bijou d’espace !

Georges-Henri Pingusson, une voix singulière du mouvement moderne,
à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 45, avenue du Président-Wilson, 75016 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : Georges-Henri Pingusson, une modernité à part

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