Gasiorowski, la peinture sans fin

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juin 1998 - 345 mots

Voilà douze ans que Gasiorowski nous a quittés. Brutalement, sans crier gare, à l’âge de 54 ans. Dans le paysage artistique, Gasiorowski faisait bande à part mais ses rares irruptions étaient toujours perçues comme autant de manières saines pour ramener à l’essentiel de la peinture. S’en allant, le peintre a laissé un œuvre formidablement prospectif comme on avait pu le mesurer il y a trois ans à Beaubourg à l’occasion de la rétrospective que Jean de Loisy lui avait consacrée. La Ligne indéfinie, un ensemble de 17 toiles carrées d’un mètre de côté que l’artiste a réalisées entre 1984 et 1986, constitue l’un des actes les plus importants de son ultime trajectoire. Elle participe d’une économie de la peinture qui se donne à voir dans une sorte de déroulement. Ce continuum se retrouve visuellement dans une ligne qui passe d’un tableau à l’autre parce que, selon, les propres termes de l’artiste, « il n’y a pas de fin à la peinture ». Dès 1983, en hommage à Manet, Gasiorowski avait développé une ligne semblable sur une toile de 10 mètres de long reliant le taureau de Lascaux à la célèbre asperge du peintre et, dès lors, il n’avait eu de cesse de multiplier les œuvres présentant cet aspect de rouleau. En 1986, il avait notamment réitéré à l’abbaye de Fontevraud avec Stances, « un immense chemin de peinture, une ligne d’or qui, sur quarante mètres, traversait les chambres de la peinture, les chambres de ma vie », disait-il.

Si La Ligne indéfinie ne témoigne pas de cette unité physique, les tableaux qui la composent partagent avec ces autres travaux la même idée de déroulement, mais d’effacement aussi puisque tout le travail de Gasiorowski consiste alors à « sauvegarder la peinture de l’usure du regard porté sur elle ». A ceci près toutefois que la ligne est ici grise comme du plomb alors que là, dans les Stances, elle est d’or. C’est que l’art est alchimie et que celui de Gasiorowski relève de secrets qu’il ne nous a pas toujours confiés.

Galerie Maeght, jusqu’au 20 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°497 du 1 juin 1998, avec le titre suivant : Gasiorowski, la peinture sans fin

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