Gaëlle Chotard, tissages au corps

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 novembre 2004 - 389 mots

Si l’atelier de Gaëlle Chotard ressemble bien plus à celui d’une couturière qu’à n’importe quel espace convenu d’un artiste contemporain, rien de plus normal. L’essentiel de son travail est fait à base de fil de coton, de laine à broder, de tissu, de latex et autres matériaux textiles du même acabit et ses outils de prédilection sont l’aiguille, le crochet, l’épingle, le dé à coudre, la loupe, etc. Ceci dit, l’artiste n’en pratique pas moins des médias plus attendus comme le dessin, la photographie ou la vidéo. L’intérêt de sa démarche réside précisément dans cette façon qui lui est très personnelle de mettre en jeu tous ces matériaux et toutes ces techniques dans des protocoles de travail qui débouchent sur une production plastique pour le moins étonnante. Griffes, Pattes, Llamas, Fermer les yeux, Nœuds lymphatiques… sont les titres de quelques-unes de ses réalisations qui se présentent comme de petites pièces tissées qu’elle utilise en prothèses sur son corps, se photographiant avec. Ces pièces peuvent également n’exister que pour elles-mêmes sans aucune finalité d’usage. Gaëlle Chotard a ainsi brodé deux petits bonnets noirs qu’elle a placés par suite sur ses yeux et s’est prise en photo plein buste, le tout composant dans une petite boîte en bois une pièce d’une grande force poétique. Invitée il y a deux ans en résidence au Pérou dans le cadre d’un « programme à la carte » de l’AFAA, elle a pu confronter son travail à la culture d’un pays réputé pour ses tissages. La pièce intitulée Cils qu’elle y a notamment réalisée se compose de deux éléments tissés très fins, qui reprennent en l’agrandissant la forme de faux cils et qu’elle a placés sur son visage. Une photo montre l’artiste tête légèrement penchée, les yeux complètement masqués. Ailleurs, l’artiste s’invente toutes sortes de situations, plus ou moins étranges, qui déroutent et fascinent à la fois, mêlant fable et fantasme, conjuguant vision microscopique et monde onirique où émergent animaux et personnages dignes d’un conte. Singulier, l’univers de Gaëlle Chotard est celui d’une intimité sensuelle et ses objets, ses images sont toujours à fleur de peau. Quelque chose d’organique est à l’œuvre qui place son travail dans une relation au corps ouvragée et délicate.

« Gaëlle Chotard », galerie Florence Loewy, PARIS, 9 rue de Thorigny, IIIe, tél. 01 44 78 98 45, 16 octobre-30 novembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°563 du 1 novembre 2004, avec le titre suivant : Gaëlle Chotard, tissages au corps

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