Franz Marc, histoire de chevaux

À travers 122 œuvres de Franz Marc abordant l’iconographie des chevaux, la Staatsgalerie de Stuttgart fait le point sur un thème central chez cet artiste, encore méconnu en France. Si Marc s’est intéressé à la peinture animalière dès 1905, il en a rapidement rejeté les conventions pour faire de l’animal la métaphore primitiviste d’un rapport pur et fusionnel à la nature. Familiarisé avec les œuvres de Gauguin et celles des Fauves lors d’un séjour parisien en 1907, l’artiste définit sa propre peinture, en 1910, comme une véritable « animalisation de l’art », expression qui se réfère autant à la « sauvagerie » du chromatisme fauve qu’à son propre sujet de prédilection. Véhicule d’un message exemplaire pour l’homme, l’animal devient une figure d’identification, à laquelle Marc associe un symbolisme des couleurs proche de celui de Kandinsky : le jaune est terrestre et féminin, le bleu, céleste et masculin. La représentation hédoniste du thème animalier cède cependant la place, en 1912, à une perception plus pessimiste de la nature s’illustrant dans l’adoption des lignes forces du futurisme, qui imposent au paysage et aux figures une grande tension graphique, libérant une violence destructrice. Motivé par la perspective d’une apocalypse qu’il croyait nécessaire – il voyait dans la guerre « le purgatoire de la vieille Europe » – Franz Marc est tombé à Verdun à l’âge de 36 ans. L’un des aspects les plus intéressants de son œuvre est le carnet d’esquisses réalisé sur le front en 1915, où l’artiste parvient à associer figuration et abstraction avec une rare pertinence expressive. L’exposition de Stuttgart, à travers le fil thématique choisi, met en lumière les mutations formelles d’une œuvre qui questionne les fondements de la modernité tant sur le plan de l’art que sur celui de l’histoire des idées.