Mécénat

À Fontainebleau, des mécènes pour le boudoir

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 12 septembre 2012 - 800 mots

Ce mois-ci, le château de Fontainebleau reconstitue en plein cœur de Paris le Boudoir turc créé pour Marie-Antoinette et meublé par Joséphine. Une opération de mécénat en vue de restituer le cabinet privé.

Berceau de la Renaissance, le château de Fontainebleau constitue un autre monument de l’Ancien Régime et de l’Empire. Entre autres chefs-d’œuvre, la demeure abrite un témoignage rarissime des turqueries royales, en vogue à la fin du XVIIIe siècle, le Boudoir turc : un cabinet privé créé en 1777 pour Marie-Antoinette, décoré de lambris peints et sculptés par les frères Rousseau, et pourvu d’un mobilier orientalisant. Ce mobilier original, à l’exception d’une paire de chenets à motif de dromadaire conservée au Musée du Louvre, a malheureusement entièrement disparu, vendu à l’encan, comme la totalité des meubles du château à la Révolution. 

Une campagne de restauration de 500 000 euros
Lorsqu’en 1804 Napoléon Ier et Joséphine s’installent à Fontainebleau, ils prennent possession d’un château vide qu’ils s’ingénient à remeubler avec son mobilier d’origine. Quand cela s’avère impossible, ils font appel aux meilleurs artisans de leur temps ; l’impératrice commande ainsi à Jacob-Desmalter des meubles en acajou, ornés de bronze doré, destinés au boudoir. L’ébéniste livre un lit d’alcôve, une chaise de repos, un repose-pieds, deux bergères, quatre chaises, un guéridon et un écran de cheminée.
Ce mobilier de style Empire est associé à un riche décor textile composé de rideaux, soieries et mousselines brodés de motifs orientalisants. Pavots, étoiles et palmettes y recréent un Orient de fantaisie, une atmosphère précieuse et feutrée évoquant les gynécées de la lointaine Turquie. Après la répudiation de Joséphine, le boudoir est utilisé par les souveraines successives, puis perd progressivement de sa splendeur.

En 1950, les administrateurs du château font restaurer les lambris du boudoir. En cours de chantier, l’opération, jugée trop invasive, est arrêtée. Il faut attendre plus d’un demi-siècle pour que la restauration soit reprise et achevée grâce au mécénat de 300 000 euros de l’INSEAD (Institut européen d’administration des affaires). « Un mécénat important, mais qui ne permettait pas de s’atteler à la restauration des meubles de Joséphine. Or, il est impensable de présenter dans un écrin restauré un mobilier en très mauvais état », explique Xavier Salmon, directeur du château. En effet, si la structure des meubles ainsi que les rideaux et mousselines ne nécessitent qu’une intervention légère – se limitant à une reprise de vernis et un nettoyage méticuleux des fils d’or –, la garniture du mobilier en velours de soie exige, en revanche, un retissage complet.
Cette campagne de restauration de grande ampleur, incluant la recréation d’un métier à tisser historique dans les ateliers des soyeux lyonnais, est estimée à 500 000 euros. Avec l’aide de onze mécènes, l’institution bellifontaine a réuni près de la moitié de la somme ; pour lever le reste des fonds nécessaires au projet, le château lance alors une opération de communication inédite.

Une opération de souscription menée pendant la Biennale
Pendant trois semaines, le mobilier quitte donc le château pour être montré au cœur de Paris, jusqu’au 29 septembre 2012, le temps d’une présentation orchestrée durant la Biennale des antiquaires. Partenaire de l’opération, la galerie Aveline expose, dans ses espaces de la place Beauvau, une reconstitution à l’identique du Boudoir turc garni de son mobilier en attente de restauration. Cette opération vise à sensibiliser le public sur le mauvais état de conservation de ce trésor et à lui permettre de participer au financement du chantier, par souscription, mais aussi en acquérant pour une somme modique un ouvrage consacré à l’histoire du boudoir.

La manifestation a surtout pour ambition de stimuler la générosité des grands mécènes, susceptibles de se trouver à quelques encablures de la galerie, à la Biennale des antiquaires. Si l’entreprise de délocalisation remporte le succès escompté, le Boudoir turc devrait accueillir ses premiers visiteurs au printemps 2013. L’opération pourrait, quant à elle, se pérenniser et s’ouvrir à d’autres institutions, sous la forme d’une « opération mutualisée des musées de France ». « Au cours des prochaines éditions de la Biennale des antiquaires, un espace pourrait être dédié à la présentation d’un ensemble mobilier ou d’une œuvre des collections nationales en attente de mécénat », confie Xavier Salmon. Si cette démarche est entérinée, la place sous la verrière du Grand Palais sera fortement convoitée par nombre d’administrateurs de musées et de châteaux, de plus en plus contraints d’accroître leurs ressources propres pour financer d’indispensables chantiers de restauration. 

Autour des restitutions

Cabinet doré de Marie-Antoinette. Château de Versailles, ouvert tous les jours sauf le lundi de 9 h à 18 h30 du 1er avril au 31 octobre et jusqu’à 17 h30 du 1er novembre au 31 mars. Tarifs : 15 et 13 e. www.chateauversailles.fr

Des mécènes pour Fontainebleau. galerie Aveline, 94, rue du Faubourg-Saint-Honoré, place Beauvau, Paris-8e, www.aveline.com, jusqu’au 29 septembre 2012.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°650 du 1 octobre 2012, avec le titre suivant : À Fontainebleau, des mécènes pour le boudoir

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