Espaces mentaux

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 mai 2004 - 357 mots

« Non-Lieu se décline en plis et contre-plis, reprenant ainsi les termes de Gilles Deleuze, où se lisent les césures et l’absence de repères géographiques et temporels. »
Pour instruire son propos, Éric Corne, commissaire du nouvel opus déroulé au Plateau, convoque encore Blanchot, Perec ou Samuel Beckett. Autant d’ombres bienveillantes et majuscules qui enveloppent l’intrigue de l’exposition de leur attention à l’espace, à ses écarts, ses conditions, sa capture, sa disparition ou même à son souvenir. Ombres planant sur les trois artistes invités, Miriam Cahn, Romain Pellas et Laurent Pariente qui déplient à leur tour un parcours amorçant déséquilibres et contradictions, énonçant chacun et ensemble une (non)architecture physique et mentale. Trois propositions spatiales : Miriam Cahn dispose peintures expéditives, photographies et dessins, obéissant dans leur assemblage à un propos âpre et évanescent, liant corps, visages, animaux, paysages rudimentaires comme autant d’apparitions fractionnées, soudées par le souvenir de la nature.
Romain Pellas ponctue l’espace d’une installation désaxée, montage improbable d’agglomérés distordus, vissés tant bien que mal, dressés sur une bâche colorée et de dessins griffonnés dans l’urgence, tracés au stylo sur d’ordinaires feuilles de petit format et déployées en un large atlas de microarchitectures.
Au centre du Plateau, Pariente recompose le lieu et bâtit une cloison crayeuse, sorte de labyrinthe primitif développé en un seul et long mur, remettant recoins, couloirs, ambiguïtés spatiales et perspectives à l’expérience du spectateur. Un itinéraire, une dérive, une errance sensible autant que cérébrale qui semble vouloir dénouer la dialectique intérieur/extérieur pour lui substituer une immersion fragmentaire au cœur d’un espace jamais appréhendé dans sa globalité ou dans son exactitude. Cahn et Pellas sont disposés de part et d’autre de cet effleurement du vide, au risque sans doute de livrer les installations secrètes de la première et l’équipement précaire et narratif du second à l’ingrat statut de complément. Tant le mur pâle et velouté de Pariente confisque, gomme et agit dans l’espace. Et le restant de l’exposition semble alors et, finalement, comme offert à la puissance d’effacement de ce mur blanc.

« Non lieu », PARIS, Le Plateau, angle rue des Alouettes/rue Carducci, XIXe, tél. 01 53 19 88 10, jusqu’au 23 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°558 du 1 mai 2004, avec le titre suivant : Espaces mentaux

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