Ernest Pignon-Ernest

Militance

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 2 août 2007 - 363 mots

La ville d’Évian inaugure son palais Lumière, l’ancien établissement thermal réhabilité, avec une exposition Ernest Pignon-Ernest. Pour la première fois sont présentées dans leur globalité près de deux cents œuvres dont une grande partie jamais exposée. Tous les thèmes chers à l’artiste (né en 1942 à Nice) sont réunis : Naples, les aborigènes, les poètes (Desnos, Genet, Rimbaud…), le social et le politique (la Commune, les expulsions, l’avortement, l’apartheid, le sida…), Bocace. On peut aussi découvrir cinquante portraits de musiciens inspirés de l’œuvre d’Alejo Carpentier.
« C’est Picasso qui m’a donné envie de peindre, j’avais le désir d’empoigner de grands thèmes qui traitent de la vie des hommes, explique Ernest Pignon-Ernest. Comme toute ma génération, j’avais des problèmes avec les modalités de diffusion de la peinture. Il n’y avait pas encore dans les années 1960 ces circuits de diffusion culturels qui se sont développés ensuite et que les bobos qui
règnent sur les arts plastiques aujourd’hui ont liquidés ou dévoyés. Pourtant, ce qui m’a amené à intervenir dans les rues, ce n’est pas cela. En 1966, alors que je m’installais dans le Vaucluse, on y implantait la force de frappe atomique. Des milliers d’Hiroshima enfouis sous les lavandes, je ne pouvais pas exprimer cela sur une toile. C’était les lieux mêmes qui étaient chargés de potentiel de mort et qu’il fallait saisir. À partir de cette photo historique qui montre les silhouettes noires d’un homme et d’une échelle désintégrée par l’éclair nucléaire, j’ai réalisé un pochoir et j’ai inscrit cette ombre dans le périmètre du plateau d’Albion. »
Durant les mois qui ont suivi, l’artiste a peint sur d’immenses panneaux démontables des œuvres que l’on peut « utiliser » en extérieur. Certaines ont été portées dans des manifestations contre la guerre du Vietnam. À Évian, le visiteur comprend comment les réflexions de l’artiste sur le temps et l’histoire l’ont amené à saisir des lieux dont il a fait son matériau essentiel, tant plastique que sémantique. On peut ainsi suivre son processus de travail, du croquis au dessin jusqu’à la photo de l’œuvre in situ.

« Rétrospective Ernest Pignon-Ernest », palais Lumière, quai Albert-Besson, Évian (74), tél. 04 50 83 10 00, jusqu’au 10 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°589 du 1 mars 2007, avec le titre suivant : Ernest Pignon-Ernest

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