Édouard Vuillard, pas si trivial que cela

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 21 novembre 2008 - 339 mots

Édouard Vuillard(1868-1940), un petit maître sympathique et discret à l’élégance bourgeoise quelque peu désuète ?

Holger Jacob-Friesen, commissaire de l’exposition de Karlsruhe, met à mal cette idée reçue en présentant près de cent vingt peintures, pastels, aquarelles, dessins et lithographies dont beaucoup proviennent de collections privées et n’avaient jamais été montrés.
Il est vrai que les sujets intimistes qu’affectionne le peintre sont peu spectaculaires. La Tasse du petit-déjeuner (1892) ou Annette à la miche de pain (1915) ne sont pas des thèmes particulièrement exaltants. Et pourtant, quelle audace parfois dans le traitement de ces modestes sujets. L’artiste excelle dans l’élaboration de compositions insolites : Une galerie au théâtre du Gymnase (vers 1899) laisse peu à peu deviner la foule sombre des spectateurs dans les circonvolutions de l’architecture de la salle.
Il arrive que l’étude attentive d’un tableau de Vuillard, au premier abord simple et séduisant, se révèle particulièrement complexe. Ainsi Madame Hessel dans sa chambre aux Clayes (autour de 1930-1935) ne se réduit pas à une banale scène d’intérieur. Le peintre s’est placé de biais devant un grand miroir posé sur un meuble (ou une cheminée ?) et a représenté le reflet de la pièce dans la glace. Il peint donc ce qui est derrière lui, excepté trois objets posés devant le miroir : une grosse (et étrange) boule de verre, un bibelot en partie en verre ou en cristal lui aussi, et un petit tableau représentant un paysage bucolique. Mais, intrigante mise en abîme, ces objets sont aussi des sortes de miroirs : la boule de verre et le bibelot renvoient la lumière, le tableau représente un paysage.
Parfois, au contraire, Vuillard conçoit des espaces picturaux extrêmement dépouillés : les plans se côtoient, se chevauchent. Il élabore ainsi un illusionnisme spatial et frontal totalement nouveau, certainement son apport le plus original à la peinture de son époque (La Femme au placard, vers 1894-1895).

Voir

« Édouard Vuillard », Staatliche Kunsthalle Karlsruhe
Hans-Thoma Strasse, 2-6, Karlsruhe (Allemagne) - (accès en TGV : Paris-Karlsruhe, 3 h)
www.kunsthalle-karlsruhe.de
jusqu’au 25 janvier 2009.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°608 du 1 décembre 2008, avec le titre suivant : Édouard Vuillard, pas si trivial que cela

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