Eclipse temporelle à la fondation Cartier

L'ŒIL

Le 1 septembre 1999 - 344 mots

L’an 2000 n’est plus un mythe mais une réalité. À la veille de cette date mythique pour la science-fiction, la Fondation Cartier propose « Un monde réel », état des lieux contemporain de notre relation au futur. Les deux œuvres qui inaugurent l’exposition laissent présager un avenir cauchemardesque. Elles s’inscrivent par là dans la lignée des visions fictionnelles qui ont jalonné tout le XXe siècle. Medusa’s Head de Chris Burden – sphère de près de 5 mètres de diamètre – évoque la planète Terre, ou du moins ce qu’il en reste tant celle-ci est éventrée, défigurée par le développement excessif de ses voies de communication, terrassée par sa propre technologie. À l’agonie terrestre s’ajoute un modèle du genre : le robot – fantasme ancestral de l’homme censé un jour le remplacer. La collection de Rolf Fehlbaum, présentée ici, en compte 400. L’installation, signée par les architectes et scénographes new-yorkais Diller et Scofidio, nous entraîne au manège désenchanté des petites mécaniques bien huilées. Sous des aspects ludiques leur cheminement discipliné, perpétuel, répétitif, sonne le glas de l’intelligence et de toute sentimentalité. Une série de téléviseurs retransmettent ces images apportant une dimension supplémentaire à cet acharnement métallique que ne laisse plus de place à l’homme. La suite de l’exposition s’articule entre fiction et réalité. Des extraits d’Out of the present, film documentaire d’Andrei Ujica sur le voyage en 1991 de Sergei Krikalev dans l’espace à bord de la station Mir, sont mis en parallèle avec des extraits de 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick et Solaris d’Andrei Tarkovski. Hors du présent également, le mannequin de Panamarenko, aviateur à hélices indéfiniment cloué à son socle, alors que tout autour se déploient en frise 200 dessins de Moebius. Il aurait été en effet regrettable de parler de science-fiction sans évoquer son support privilégié : la bande dessinée. Ce décloisonnement des arts dans une exposition d’art contemporain est un parti pris des plus louables.

Fondation Cartier pour l’art contemporain, jusqu’au 14 novembre, cat. éd. Actes Sud, 325 p, 340 F avec 4 photographies originales de Valérie Belin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°509 du 1 septembre 1999, avec le titre suivant : Eclipse temporelle à la fondation Cartier

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