Art contemporain

XXE SIÈCLE

Duchamp bouscule la routine du musée

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2019 - 494 mots

PARIS

L’artiste, disparu il y a un demi-siècle, était-il un visiteur du Musée des arts et métiers ? Mathieu Mercier et François Olislaeger convoquent son souvenir dans une exposition in situ inattendue.

Paris. Il serait dommage de passer à côté d’une exposition évoquant l’œuvre de Marcel Duchamp, fût-elle discrète. Celle qui se tient au Musée des arts et métiers – composante du Conservatoire des arts et métiers (Cnam) – peut surprendre par son emplacement. Cet établissement consacré à la mémoire technique et industrielle n’a pas l’habitude d’accueillir des manifestations d’art contemporain. Et si son directeur, Yves Winkin, est convaincu que Marcel Duchamp « est bien chez lui » au sein des collections, y accueillir une exposition inspirée de son œuvre n’allait pas de soi. La commissaire Julie Bawin et les artistes invités, Mathieu Mercier et François Olislaeger, ont lutté pied à pied pour déplacer des objets des réserves et se faire ouvrir les vitrines. Perturbant la routine muséale, les dispositifs qu’ils ont imaginés perpétuent l’esprit duchampien.

Mais pourquoi célébrer le cinquantième anniversaire de la mort de Marcel Duchamp dans cette institution ? Parce que nombre « d’objets (qui y sont) conservés l’ont inspiré dans ses réflexions, ainsi que dans la réalisation de La Mariée mise à nu par les célibataires, même (Le Grand Verre) », suggère la commissaire Julie Bawin. Il s’agissait donc « de replacer sa pensée dans le contexte des inventions de son époque ». Auteur d’une bande dessinée intitulée Marcel Duchamp, un petit jeu entre moi et je (Actes Sud BD/Les éditions du Centre Pompidou, 2014), François Olislaeger semblait tout indiqué pour cet exercice. Quant à Mathieu Mercier, lauréat en 2003 du prix Marcel Duchamp, il n’a de cesse de partager sa connaissance du créateur de la Boîte-en-Valise, dont il a d’ailleurs réalisé en 2015 une réédition à un prix abordable (éditions Walther König).

Un dialogue peu évident

Le mobile géant de François Olislaeger et ses interventions dans les vitrines du musée, en donnant vie au personnage de sa bande dessinée, offrent aux visiteurs un accompagnement poétique et délicat. Réunissant dans un meuble confectionné par ses soins des objets choisis dans les réserves et des éléments de sa propre collection duchampienne (pelle à neige ; machine à écrire Underwood et sa housse ; ampoule de sérum physiologique ; urinoir…), Mathieu Mercier rassemble les indices d’une évidente proximité entre l’inspiration de Duchamp et une époque sur le seuil de la société des loisirs.

Les deux registres, l’un narratif et ludique, l’autre plus savant, invitent à la curiosité et se complètent parfaitement dans leur mise en perspective. En revanche, le dialogue compliqué noué ici entre le monde de l’art contemporain et celui des sciences et techniques se conclut sur un malentendu : l’image créée par Mathieu Mercier – un nu au milieu des réserves – qui devait servir de visuel à l’affiche, a été censurée ; elle figure en vignette dans la brochure. Comme si l’érotisme duchampien demeurait un sujet tabou… en tout cas, au Musée des arts et métiers.

Monsieur Duchamp nous a dit que l’on pouvait jouer ici,
jusqu’au 19 février 2019, Musée des arts et métiers, 60, rue Réaumur, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°514 du 4 janvier 2019, avec le titre suivant : Duchamp bouscule la routine du musée

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